par Gwénaelle Barzic

En proie à des difficultés financières, le journal est à la recherche depuis plusieurs mois d'investisseurs susceptibles de recapitaliser la publication à hauteur de 15 millions d'euros.

La procédure de sauvegarde permet à une entreprise qui n'est pas en cessation de paiement de se mettre à l'abri de ses créanciers le temps de se restructurer et de trouver d'éventuels financements.

Valérie Decamp, PDG et actionnaire majoritaire du titre, en a fait la demande devant le tribunal de commerce de Paris qui a donné son accord mercredi matin.

"C'est une bonne nouvelle pour nous, c'est une étape importante", a déclaré à Reuters l'ancienne directrice générale du quotidien gratuit Metro. "La pérennité de la Tribune est beaucoup moins menacée aujourd'hui qu'il y a encore 24 heures".

Le journal, qui disposait d'une trésorerie lui permettant de tenir jusqu'au mois de juin, aura désormais une visibilité jusqu'à début 2012, a-t-elle précisé.

Valérie Decamp a indiqué que des discussions avaient été engagées avec plusieurs investisseurs qui sont aujourd'hui à un stade "assez avancé" et, pour certaines, "sur le point d'aboutir".

"La procédure de sauvegarde nous aide à gagner du temps et nous aide aussi dans la discussion avec les investisseurs", a-t-elle souligné, en rappelant que ce dispositif, de création récente en France, permettait de garantir le passif de l'entreprise, évitant ainsi le risque de mauvaises surprises pour des investisseurs potentiels.

LE SNJ VEUT ÊTRE REÇU PAR LES POUVOIRS PUBLICS

Plusieurs journaux en ont déjà bénéficié, dont le quotidien Libération, a-t-elle rappelé.

Le syndicat national des journalistes (SNJ) a toutefois fait part de son inquiétude et dit redouter des licenciements.

"C'est positif parce que cela nous donne du temps mais en même temps c'est le reflet d'une situation extrêmement dégradée", a déclaré à Reuters David Larbre, délégué du SNJ. "S'ils ont demandé cette procédure, c'est parce que sinon, dans quatre mois, on fermait boutique".

Selon le représentant syndical, la direction a l'intention de licencier neuf journalistes, soit près de 10% des effectifs de la rédaction, ce qui pose selon lui "clairement la question de la continuité du journal".

Valérie Decamp a confirmé de son côté qu'il y aurait des suppressions d'emplois mais uniquement sur la base du volontariat.

Le SNJ demande à être reçu par les ministères de la Culture et de la Communication et celui de l'Economie et des Finances afin qu'ils organisent un tour de table pour trouver des investisseurs, aucun investisseur potentiel n'ayant manifesté son intérêt à ce jour, a expliqué David Larbre.

"Est-ce que le gouvernement va (...) laisser Bernard Arnault devenir le patron de la presse économique en France?", s'est-il interrogé en faisant référence au patron du géant du luxe LVMH, propriétaire des Echos. "C'est un vrai souci démocratique et de pluralisme de la presse".

HAUSSE DE 2,5% DE LA DIFFUSION EN 2010

En mai dernier, le PDG de NextRadioTV Alain Weill s'était désengagé du quotidien économique en cédant pour un euro symbolique 80% du capital du journal à sa directrice générale Valérie Decamp, devenue ainsi PDG.

Le propriétaire de RMC, BFM TV et BFM Business avait racheté la publication en 2008 à LVMH pour un euro symbolique par l'intermédiaire de sa holding News Participation.

Victime comme les autres titres de presse du recul des recettes publicitaires, le quotidien économique a enregistré en 2010 une perte de 9 millions d'euros, contre 14 millions d'euros l'année précédente, a indiqué Valérie Decamp, qui a dit disposer, à ce jour, d'une trésorerie de 7 millions d'euros.

Afin de réaliser des économies, le journal, qui s'est fixé pour objectif d'atteindre la rentabilité en 2012, est revenu au format tabloïd et a cessé de paraître dans sa version papier le samedi.

Sa diffusion a progressé de 2,5% en 2010 et le nombre de visiteurs sur ses sites a bondi de 60% par rapport à 2009.

Ses chiffres valident, selon Valérie Decamp, la stratégie engagée et dont elle compte poursuivre la mise en oeuvre.

"Le plan est le bon, le positionnement éditorial que nous avons choisi (...) est le bon. Il nous faut juste un peu de temps pour déployer tout ça", a-t-elle expliqué, en précisant que le journal n'avait pas l'intention d'abandonner l'activité papier même si une décroissance sur ce segment est anticipée.

Edité par Pascale Denis