PARIS (Reuters) - Renault a publié vendredi son premier bénéfice en trois ans et annoncé que sa directrice financière Clotilde Delbos se consacrerait à plein temps à l'activité nouvelles mobilités du groupe, double signe d'une accélération de la stratégie d'électrification du constructeur français.

Le groupe au losange, qui a également annoncé étudier la création de deux entités distinctes pour ses activités électriques d'une part, thermique-hybrides d'autre part, a renoué l'an dernier avec un bénéfice net, part du groupe, de 888 millions d'euros alors qu'il avait accusé en 2020 une perte nette historique de 8,008 milliards d'euros sous le coup d'une baisse de ses ventes et par ricochet, des difficultés similaires rencontrées par son partenaire Nissan.

L'année précédente, il avait accusé une perte de 141 millions d'euros, sa première en dix ans.

"Nous sommes en train de réussir l'un des redressements les plus rapides de l'histoire récente de l'industrie automobile, si vous comparez la situation à ce qu'elle était il y a seulement un an, il faut reconnaître que quelque chose d'un peu magique a lieu chez Renault", a déclaré le directeur général Luca de Meo au cours d'une téléconférence avec les analystes.

A la Bourse de Paris, l'action Renault gagnait 4,58% à 38,005 euros dix minutes après l'ouverture, évoluant au plus haut depuis avril 2021. Elle progressait de 0,7% environ en milieu d'après-midi.

"Les prévisions sont en ligne, mais devraient être considérées comme un plancher minimum", a commenté Jefferies dans une note intitulée "du progrès".

Pour parvenir à ces résultats, Renault a engagé une restructuration drastique avec deux milliards d'euros de réductions de coûts fixes en deux ans et un recentrage sur ses modèles et marchés les plus rémunérateurs.

En avance sur les objectifs du plan "Renaulution" qu'il actualisera lors d'une journée investisseurs à l'automne prochain, le constructeur a atteint une marge opérationnelle de 3,6% en 2021 et vise un chiffre supérieur ou égal à 4% en 2022, contre un objectif initial de plus de 3% en 2023.

Il compte aussi rembourser l'intégralité du prêt garanti par l'Etat pendant la crise du Covid au plus tard fin 2023.

VERS UNE ENTITÉ DÉDIÉE AU THERMIQUE BASÉE HORS DE FRANCE

Pour accompagner la mutation vers l'électrique - la marque Renault ne vendra plus en Europe de voitures à moteur essence ou diesel en 2030 - le constructeur a également annoncé réfléchir à la création de deux entités, une pour l'électrique basée en France, une autre pour les moteurs thermiques et hybrides basée à l'étranger.

Les autres constructeurs ont jusqu'ici rechigné à aller aussi loin. Dans une présentation, le groupe français a précisé que chaque entité serait ouverte à des partenariats.

Prié de dire si ce projet pourrait modifier la structure de l'alliance avec Nissan et Mitsubishi, qui vient de détailler un plan commun de 26 milliards de dollars d'investissements dans l'électrification, Luca de Meo a répondu qu'il s'agissait d'un projet que Renault était en mesure de réaliser seul.

"Bien entendu, nous laisserons la porte ouverte à nos partenaires s'ils sont intéressés eux aussi par une telle évolution de la structure des entreprises", a-t-il ajouté.

Des sources proches du dossier ont dit à Reuters que Nissan, et Mitsubishi n'avaient été informés que récemment de ce projet. Dans des déclarations quasi-identiques transmises à Reuters par email, les deux groupes japonais ont dit "qu'à leurs yeux, cette étape doit constituer une préparation des prochaines étapes du plan Renaulution", et qu'ils "continueront à collaborer comme partenaires de l'alliance".

Ebranlé fin 2018 par l'arrestation de Carlos Ghosn, longtemps PDG iconique de Renault et architecte de l'alliance avec Nissan et Mitsubishi, Renault a tourné le dos à une ambitieuse stratégie de volumes pour retrouver le chemin de la profitabilité.

Ce redressement est impératif alors que l'ensemble du secteur doit financer des investissements massifs dans l'électrification des véhicules et les logiciels destinés à des voitures de plus en plus connectées.

Alors qu'il a été avec Nissan précurseur de l'électrique au début de la décennie précédente, Renault s'est fait distancer par des nouveaux venus comme Tesla, ou par l'offensive de Volkswagen.

Sur le court terme, l'environnement de marché restera toutefois affecté cette année par la hausse des prix des matières premières et par la crise des semi-conducteurs, avec une perte totale de production estimée à 300.000 véhicules, surtout au premier semestre, contre environ 500.000 l'an dernier.

Le groupe a également tourné une page puisque Clotilde Delbos, directrice financière depuis six ans et en première ligne dans la transition avec l'ère Ghosn et dans la restructuration qui a suivi, cédera le 1er mars sa place à son adjoint Thierry Piéton.

Elle se consacrera désormais à plein temps à la filiale Mobilize, qui regroupe les activités d'autopartage, de VTC et de data du groupe dans l'énergie et les nouveaux modes de déplacement.

"C'est une transition qui me trotte dans la tête depuis un certain nombre de mois", a-t-elle dit lors d'une téléconférence de presse. "Mais on ne peut pas tout faire, il y a un moment où il faut pouvoir se concentrer sur un choix (...) et je le fais aussi maintenant parce que je pense qu'on est sur la bonne voie."

(Reportage Gilles Guillaume et Piotr Lipinksi, avec Norihiko Shirouzu à Pékin et Nick Carey à Londres, édité par Jean-Stéphane Brosse)

par Gilles Guillaume et Piotr Lipinski