Paris (awp/afp) - Géants de l'industrie pharmaceutique et biotechs rivalisent dans le développement de nouveaux traitements contre la sclérose en plaques, maladie inflammatoire du système nerveux central, dont les traitements des symptômes progressent, à défaut d'avoir découvert pour l'instant un moyen de guérison.

Le groupe pharmaceutique suisse Roche a annoncé mercredi l'autorisation aux Etats-Unis de son premier traitement contre la sclérose en plaques (SEP), Ocrevus, après huit ans de développement. Le groupe attend un feu vert commercial en Europe au second semestre.

Différence notable par rapport aux nombreux autres traitements existants, Ocrevus a aussi démontré une efficacité significative pour la forme la plus sévère de la SEP, dite "primaire-progressive", qui touche 15% des patients et qui se traduit par un handicap, souvent moteur, dès l'apparition de la maladie.

"Pour ces patients l'arrivée d'Ocrevus va faire une énorme différence, car jusqu'à présent ils n'avaient aucun traitement autorisé à leur disposition", estime Stefan Schneider, analyste de la banque suisse Vontobel interrogé par l'AFP.

Selon un consensus d'analystes, Ocrevus pourrait générer près de 3,7 milliards de dollars de ventes annuelles dès 2022, sur un marché mondial de la sclérose en plaques de près de 20 milliards de dollars.

Cette maladie touche au moins 2,3 millions de personnes dans le monde (plus de 100.000 en France).

EFFETS SECONDAIRES

Cependant Ocrevus débarque sur un marché ultra-concurrentiel dans la forme majoritaire de la sclérose en plaques, cyclique, qui se caractérise par des poussées inflammatoires occasionnelles.

De nombreux traitements de fond existent pour cette forme, avec des acteurs bien implantés comme Biogen, Novartis ou Sanofi, et l'arrivée de génériques sur la première génération de médicaments datant des années 1990.

D'autres incertitudes portent sur les effets secondaires d'Ocrevus sur le long terme, sachant que ce médicament, comme les autres, influe significativement sur le système immunitaire, ce qui peut se révéler être à double tranchant.

Ocrevus n'a pas vocation à être "l'aspirine du système nerveux central", qui est "très complexe", prévient ainsi Paul-Henri Depoortere, directeur médical dans le domaine des neurosciences chez Roche France, interrogé par l'AFP.

"Beaucoup de médicaments remplacent une maladie par une autre", glisse David Meeker, le patron de Sanofi Genzyme, entité du géant français Sanofi, qui dispose de deux médicaments en croissance dans la sclérose en plaques, Lemtrada et Aubagio.

L'américain Biogen, qui domine actuellement ce marché, en a fait l'expérience avec son traitement phare Tecfidera il y a quelques années, qui a déclenché dans de rares cas une grave infection virale du cerveau.

Tous les laboratoires sur le segment cherchent aujourd'hui à agir sur le système immunitaire de manière plus ciblée, pour limiter les effets secondaires, et à ralentir, voire enrayer, la neurodégénérescence qu'entraîne in fine la maladie.

CAUSES INCERTAINES

"Le Graal, ce serait de permettre la remyélinisation", ou régénération de la myéline, la gaine isolante et protectrice des fibres nerveuses, que la maladie détruit progressivement, estime M. Depoortere.

"Mais il faut aussi s'assurer que la myéline ne soit plus détruite en même temps, sinon c'est un serpent qui se mort la queue", ajoute-t-il.

Biogen a essuyé l'an dernier un échec dans un essai clinique de phase II de son anticorps monoclonal opicinumab (anti-Lingo 1), qui vise précisément à restaurer la myéline.

Cependant le géant américain compte lancer une nouvelle phase II avec des patients à un stade plus précoce de la maladie, chez lesquels les résultats de l'essai précédent "ont été très encourageants", précise à l'AFP Patrick Meshaka, directeur médical de Biogen France.

Plusieurs biotechs creusent d'autres pistes, en partant de facteurs potentiels de la maladie, qui restent encore mal connus: prédispositions génétiques, facteurs environnementaux, tabagisme, origine infectieuse...

La biotech suisse GeNeuro a par exemple fait alliance avec le français Servier dans le développement d'un anticorps monoclonal pour neutraliser la protéine toxique d'un rétrovirus endogène, MSRV.

Ce rétrovirus est normalement présent à l'état latent dans le génome, mais des chercheurs le soupçonnent d'être un facteur déclenchant et aggravant de la sclérose en plaques quand il est réactivé.

Une étude de phase IIb est en cours, dont les résultats préliminaires à 6 mois devraient être publiés cet automne.

afp/jh