* Au moins 26 morts lors d'un assaut des forces spéciales à Kiev

* Réunion extraordinaire prévue à Bruxelles jeudi

* Discussions en cours entre l'UE et les Etats-Unis (Actualisé avec déclarations Hollande, John Kerry, GB, précisions)

PARIS/BRUXELLES, 19 février (Reuters) - Les ministres européens des Affaires étrangères de l'Union européenne, qui tiennent jeudi une réunion d'urgence sur la situation en Ukraine, sont appelés à adopter des sanctions contre les responsables de la répression.

De violents affrontements ont éclaté dans la nuit de mardi à mercredi lors de l'assaut lancé par les forces spéciales contre les manifestants de l'opposition réunis sur le Maïdan, la place de l'Indépendance à Kiev, faisant au moins 26 morts, selon un bilan fourni par le gouvernement ( ).

Ces violences ont contraint l'Union européenne, jusqu'à présent relativement discrète sur le dossier ukrainien, à sortir de sa réserve et à envisager l'adoption de sanctions, un scénario jusque-là rejeté faute d'un consensus suffisant.

Le président de la Commission, José Manuel Barroso, a exhorté les Vingt-Huit à agir "d'une manière urgente".

Parmi les sanctions possibles figurent le gel des avoirs de personnalités et des interdictions de déplacement, à l'image des mesures prises par Bruxelles contre plusieurs responsables biélorusses après la vague de répression de 2010.

"Notre premier appel c'est que ça cesse et que le calme, la sérénité, l'apaisement puissent être de retour", a dit François Hollande lors d'une conférence commune avec Angela Merkel à l'issue du conseil des ministres franco-allemand à Paris.

"Mais ceux qui ont commis des actes, ceux qui se préparent à en commettre d'autres doivent savoir qu'ils seront sanctionnés", a-t-il ajouté en précisant que la réunion de jeudi serait l'occasion d'évoquer la question des sanctions, de "leur graduation et de leur ciblage".

RENDRE DES COMPTES

D'autres pays européens ont dès mercredi apporté leur soutien à l'idée de sanctions contre les auteurs des violences, comme la Hongrie, l'Autriche, la Lituanie ou la Pologne, cette dernière étant jusqu'ici opposée à une telle politique.

A Varsovie, le vice-ministre des Affaires étrangères Piotr Serafin a ainsi fait état d'un consensus et d'une "unité de vues" entre les membres de l'UE sur cette question.

Les chefs de la diplomatie de la France, de l'Allemagne et de la Pologne se rendront à Kiev jeudi matin pour faire le point sur la situation avant la réunion de Bruxelles, a indiqué le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius.

La question des sanctions fait également l'objet de discussions entre les Etats-Unis et l'Union européenne, a fait savoir le secrétaire d'Etat américain John Kerry à Paris.

"Le président Ianoukovitch a l'occasion de faire un choix. Le choix de protéger le peuple qu'il sert, le choix d'un compromis et d'un dialogue contre (le choix) de la violence et de la destruction", a-t-il dit lors d'une conférence de presse.

"Nous sommes en train de discuter de la possibilité de sanctions ou d'autres mesures avec nos amis en Europe et ailleurs pour tenter de créer un environnement de compromis".

UN TOURNANT POUR L'UE ?

D'une ampleur inédite depuis la "révolution orange" de 2004, la crise ukrainienne a été déclenchée par la décision du président Viktor Ianoukovitch, en novembre dernier, de ne pas signer un accord de partenariat avec l'Union européenne au profit d'un rapprochement avec la Russie.

L'adoption de sanctions marquerait un tournant pour l'UE, qui s'est contentée d'exprimer mi-janvier "sa profonde inquiétude" faute de consensus sur l'attitude à adopter.

Certains diplomates européens ont ainsi exprimé des doutes sur le bien-fondé de l'adoption de sanctions qui risqueraient selon eux de fermer définitivement la porte au dialogue et de voir le régime durcir le ton à l'égard de l'opposition.

Mais la mort d'au moins 26 personnes a semble-t-il changé la donne et constitué un électrochoc pour certains pays jusque-là réticents à hausser la voix contre Kiev.

Loin des tergiversations européennes, la Russie a promis mercredi d'utiliser son influence pour ramener la paix chez un "Etat frère" et a dénoncé des violences qui sont selon elle le fait "d'extrémistes" tentant de fomenter un coup d'Etat.

Moscou a appelé les dirigeants de l'opposition ukrainienne à "arrêter le bain de sang" et à renouer le dialogue avec le gouvernement de Viktor Ianoukovitch.

Lors de sa conférence de presse à Paris, François Hollande a fait savoir que l'Europe était "toujours disponible pour l'accord d'association qui a été proposé" à l'Ukraine à Vilnius lors du sommet du partenariat oriental de l'UE, fin novembre. (Marine Pennetier et Adrian Croft, avec service France et bureaux de Reuters à Londres, Washington, Varsovie et Budapest, édité par Yves Clarisse)