Milan (awp/afp) - Le géant laitier français Lactalis lance jeudi une OPA sur la part qui lui échappe encore dans sa filiale italienne Parmalat, une opération qui vise à la retirer de la Bourse mais se déroule, de façon suprenante, à un prix inférieur à celui du marché.

"Après plus de cinq ans aux commandes de la société" agro-alimentaire, Lactalis "souhaite lui donner une nouvelle dynamique qui pourrait être plus facilement et plus efficacement atteinte sur le long terme sans faire appel au marché actions", a justifié le groupe français.

Via Sofil, Lactalis détient déjà 87,74% de Parmalat. Le retrait de la Bourse de Milan interviendra quand il en contrôlera 90%, ce qui ne représente donc qu'un petit 2,26% de capital à acquérir.

Mais l'offre publique d'achat, qui court jusqu'au 10 mars, s'effectue au prix de 2,80 euros par action, alors même que le titre a clôturé mercredi à 3,012 euros. Les actionnaires gagneraient ainsi plus en vendant leurs actions sur le marché.

En annonçant l'OPA le 27 décembre, Lactalis avait souligné que le prix représentait une prime "de près de 15% sur la moyenne des trois derniers mois". Mais favorisé par l'opération, le titre a bondi.

Dans ce contexte, le montant proposé a été critiqué par certains actionnaires minoritaires, dont le fonds Amber Capital qui estime que "le prix juste ne peut être inférieur à 4 euros".

L'offre "ne tient pas compte du fait que dans les prochaines années toutes les sociétés que Parmalat a acquises entre 2014 et 2016 au Brésil, en Australie, au Mexique commenceront à générer de l'argent", alors même qu'elles lui ont coûté environ un milliard d'euros, soutient Amber.

D'autre part, il y a le contentieux avec Citigroup, auquel Parmalat réclame 1,8 milliard d'euros en l'accusant de complicité dans les événements qui ont mené à sa banqueroute en 2003. En cas d'accord après l'OPA, les actionnaires minoritaires seraient lésés, juge Amber, qui ne remettra donc pas les quelque 3% de capital qu'il détient.

DOMMAGES ?

Mardi soir, le conseil d'administration de Parmalat, qui commercialise aussi des marques comme Galbani, Vallelata ou Santal, a jugé au contraire le prix "adéquat".

Le groupe souligne en effet que dans le cadre d'autres contentieux en lien avec Citigroup, Parmalat pourrait devoir verser plusieurs milliards d'euros.

Sofil a de son côté saisi la Consob, le gendarme boursier italien, au sujet d'informations "non correctes" diffusées par Amber, et "susceptibles d'influer sur l'évolution du titre et le résultat" de l'OPA.

"Compte tenu de la situation générale --visibilité de l'activité, notamment en Amérique du Sud, difficultés dans un secteur compétitif...-- l'offre me semble globalement juste", a déclaré à l'AFP un analyste sous couvert de l'anonymat.

Il estime "fort probable que Lactalis atteigne les 90% du capital", opération qui lui permettra ensuite de "gérer librement l'entreprise, sans devoir rendre compte au marché".

Lactalis --dont "l'opacité" est critiquée régulièrement par les actionnaires minoritaires mais aussi par des observateurs plus neutres-- a pris le contrôle de Parmalat en 2011 via une OPA hostile, qui avait suscité un vif émoi en Italie.

Depuis, il a régulièrement connu de fortes tensions avec certains actionnaires minoritaires.

Amber Capital a ainsi déposé une plainte en 2012, accusant des membres du conseil d'administration d'avoir privilégié les intérêts de Lactalis au détriment de ceux de Parmalat.

En question: la mise en commun un temps de la trésorerie (cash pooling) et le rachat par Parmalat en 2012 d'une filiale américaine de Lactalis, LAG, à un prix jugé trop élevé.

Le collège des commissaires aux comptes a estimé mardi que le cash pooling avait créé un dommage de quelque 4,3 millions d'euros pour Parmalat. En revanche, il s'est montré divisé sur le prix d'achat de LAG.

Parmalat a contesté les conclusions concernant le cash pooling, fondées "sur des présupposés et calculs erronés".

Son patron, Yvon Guérin, a affirmé que le management "depuis cinq ans avait toujours agi avec l'objectif prioritaire de rendre l'entreprise solide au niveau mondial", et que LAG avait permis "d'accélérer (son) expansion en Amérique du Nord".

En 2016, Parmalat a enregistré une hausse de 1,2% de son chiffre d'affaires, à 6,49 milliards d'euros.

afp/jh