par Emmanuel Jarry

"Cette réflexion est en cours", a déclaré jeudi le ministre de l'Industrie Christian Estrosi dans une interview à Reuters, deux jours avant un entretien entre le chef de l'Etat et le P-DG de Renault, Carlos Ghosn, à l'Elysée.

L'Etat français possède aujourd'hui 15% du capital du constructeur et dispose à ce titre de deux des 17 sièges de son conseil d'administration.

Le gouvernement tente de dissuader Renault d'implanter la totalité de la production de sa future Clio 4 hors de France - plus spécifiquement dans son usine turque de Bursa, où le constructeur français produit déjà 180.000 voitures par an.

Mais au-delà de la Clio 4, tout à son souci de protéger les emplois industriels en France, l'Etat-actionnaire s'efforce de rétablir sur la stratégie industrielle de Renault son influence, qui n'a cessé de diminuer au fil des ans.

"On est actionnaire, on ne reste pas les bras ballants et la stratégie industrielle de Renault doit se faire en concertation avec nous", explique Christian Estrosi, qui déplore que la part de production du constructeur en France ne cesse de diminuer.

"C'est nous qui aujourd'hui décidons d'inverser le cours des choses", a ajouté le ministre de l'Industrie.

Dans ce contexte, brandir l'éventualité d'une augmentation de la part de capital de l'Etat est un moyen de faire pression sur Carlos Ghosn. Christian Estrosi ne s'en cache pas.

"Ce qui est sûr, c'est que nous cherchons le moyen de faire comprendre que l'Etat actionnaire à 15% est un Etat qui pèse dans les choix", explique-t-il.

"On peut très bien le faire en restant à 15%. Peut-être que de monter à 17, à 18 ou à 20% est un moyen psychologique de faire comprendre qu'on n'a pas l'intention de laisser conduire la stratégie industrielle automobile de la France sans réagir."

BRUXELLES DEMANDE DES EXPLICATIONS

Prié de dire si Nicolas Sarkozy pourrait annoncer une telle augmentation samedi, après son entretien avec Carlos Ghosn et le directeur général de Renault Patrick Pélata, Christian Estrosi a répondu que le pronostic était à "50-50".

La décision finale du chef de l'Etat sera le fruit de sa discussion avec Carlos Ghosn, a-t-il expliqué : "Est-ce que le P-DG de Renault considère que, désormais, nous sommes un actionnaire à 15% qui mérite d'être respecté et de ne pas subir des décisions sans que nous y soyons associés ?"

Une porte-parole de Renault a déclaré n'avoir aucun commentaire à faire sur ces déclarations.

En revanche, la Commission européenne a demandé jeudi des explications à la France sur son attitude vis-à-vis de Renault.

La commissaire à la concurrence a rappelé qu'elle avait obtenu en février "un engagement clair" que les prêts publics accordés aux constructeurs automobiles français pour surmonter la crise n'affecteraient pas leur liberté de développer leurs activités au sein du marché intérieur européen.

"La Commission s'assurera que cet engagement est respecté", a ajouté Neelie Kroes, dans un communiqué.

Christian Estrosi a répliqué jeudi soir sur Europe 1 que les conditions posées à Renault par l'Etat français n'étaient pas fondées sur les aides apportées dans le cadre du plan de relance mais sur son statut d'actionnaire.

Renault assure n'avoir pas encore décidé où il produira en 2013 la 4e génération de la Clio.

"Ce qui est demandé à Renault, ce n'est pas de fermer une chaîne de production en Turquie (...), c'est de veiller à ce que la Clio 4 qui est destinée à être vendue en France soit produite en France", a dit à Reuters le ministre de l'Industrie.

Il ne s'agit pas, au demeurant, d'empêcher Renault de fabriquer cette voiture en Turquie pour le marché régional, a-t-il ajouté : "Qu'on produise de la Clio 4 en Turquie pour la vendre en Turquie ou dans la région, ce n'est pas un problème."

Christian Estrosi a précisé avoir "clairement dit" à Patrick Pélata, qu'il a reçu mercredi, que Nicolas Sarkozy ne se contenterait pas samedi de "réponses évasives".

Edité par Yves Clarisse