* Merkel soulève la question des droits de l'homme, Poutine esquive

* Les députés allemands inquiets des mesures contre l'opposition

* Les deux dirigeants soulignent la forte relation commerciale qui les unit

par Douglas Busvine et Andreas Rinke

MOSCOU, 16 novembre (Reuters) - Le président Vladimir Poutine a balayé vendredi les critiques allemandes sur son bilan en matière de droits de l'homme à l'occasion d'une visite à Moscou de la chancelière Angela Merkel sur fond de tensions croissantes entre l'Allemagne et la Russie.

Les deux dirigeants se sont assis côte-à-côte lors d'une conférence avant d'entamer des discussions. Des députés allemands ont invité la chancelière à faire pression sur le Kremlin concernant ce qu'ils considèrent comme une répression de toute contestation depuis le retour en mai à la présidence de l'ancien maître-espion du KGB.

D'abord apparemment mal à l'aise, Angela Merkel et Vladimir Poutine ont paru se détendre, riant même parfois durant les questions posées par des chefs d'entreprise sur des sujets allant des importants liens commerciaux à l'emprisonnement des membres du groupe punk Pussy Riot pour avoir réalisé une performance dans une église orthodoxe de Moscou.

Ils ont souligné qu'ils voulaient éviter toute impression de désaccord qui pourrait nuire à une prospère relation commerciale estimée à plus de 80 milliards de dollars par an.

"Nous voulons que la Russie réussisse", a déclaré Angela Merkel. "Nous avons nos propres idées sur la façon dont on peut réussir. Nos idées ne coïncident pas toujours mais ce qui importe est que nous nous écoutions l'un l'autre."

La chancelière a ajouté que l'Allemagne avait besoin de la Russie pour ses matières premières comme le gaz et le pétrole tandis que la Russie bénéficiait de l'aide de l'Allemagne en matière de modernisation, d'infrastructure et de soins de santé.

"RHÉTORIQUE ANTI-POUTINE"

Le président russe a dit que la Russie entendait ces critiques tout en signifiant poliment que l'Allemagne ne comprenait pas entièrement les événements en Russie.

"S'agissant des questions politiques et idéologiques, nous entendons nos partenaires. Mais ils entendent ce qui se passe de très loin", a dit Vladimir Poutine.

Il a accusé l'une des membres des Pussy Riot d'avoir participé à une manifestation antisémite en tant que membre d'un autre mouvement radical, bien que le groupe démente son interprétation de la manifestation.

Passant à l'offensive, le dirigeant russe a ignoré les critiques faisant état d'un manque de liberté d'information en Russie, précisant que cinq Etats allemands (länder) ne disposaient pas pas de lois garantissant de telles libertés.

Non sans ironie, il a ajouté : "Quant à savoir si aucun Allemand ne pourrait nous servir de modèle, il y en a bien un - c'est le chancelier fédéral."

Les deux dirigeants se sont ensuite entretenus en privé.

Ces discussions promettaient d'être glaciales en raison d'une motion adoptée la semaine dernière par le Bundestag sur le non respect des droits de l'homme en Russie.

Le porte-parole de Vladimir Poutine, Dimitri Peso, a rétorqué jeudi en critiquant la montée d'une "rhétorique anti-Poutine" en Allemagne.

Le président russe a toutefois souligné que l'importance des relations commerciales entre les deux pays allaient à l'encontre de toute possible froideur des relations franco-allemandes. "Certains différends pourraient se faire jour, oui. Nous discutons, cherchons des compromis. Mais il n'y a en aucun cas une atmosphère sombre", a dit Vladimir Poutine.

SOLIDE RELATION COMMERCIALE

Lors d'une conférence de presse commune avec Vladimir Poutine, Angela Merkel a dit avoir fait part à son hôte de ses inquiétudes au sujet d'une série de lois soutenues par son parti et qui pourraient conduire à étouffer toute contestation.

"Nous avons parlé de la situation de la société civile en Russie et j'ai exprimé mes inquiétudes au sujet des projets de certaines lois", a déclaré la chancelière allemande.

"Je pense que nous devons parler ouvertement et honnêtement de ces problèmes. Ce dialogue est une condition préalable pour se comprendre et identifier les conflits", a-t-elle ajouté.

La chancelière allemande est accompagnée à Moscou de huit ministres, dont ceux des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, et des Finances, Wolfgang Schäuble, ainsi que par une délégation de chefs d'entreprise.

Parmi les accords qui seront conclus au cours de cette visite, figure la signature d'une lettre d'intention par les Chemins de fer russe pour l'achat de près de 700 locomotives au groupe bavarois Siemens pour un total d'environ 2,5 milliards d'euros. (voir )

Au menu des questions internationales devraient notamment figurer la Syrie et le programme nucléaire iranien.

Pour l'Allemagne, qui achète 40% de son gaz et 30% de son pétrole en Russie, Moscou reste donc "un partenaire stratégique" selon les responsables allemands, même si au niveau personnel, les relations entre Angela Merkel et Vladimir Poutine ne sont pas des plus cordiales. (Avec Darya Korsunskaya, Noah Barkin, Maria Sheahan et Jens Hack, Danielle Rouquié et Juliette Rabat pour le service français, édité par Gilles Trequesser)