par Benjamin Kang Lim et Ben Blanchard

PEKIN, 18 août (Reuters) - Le procès pour corruption et abus de pouvoir de Bo Xilai, ancien haut responsable du Parti communiste chinois (PCC) déchu après s'être retrouvé au coeur du plus important scandale politique du pays depuis des décennies, s'ouvrira jeudi prochain, a annoncé dimanche l'agence officielle Chine nouvelle.

Ce fils d'un ancien vice-Premier ministre qui fut secrétaire général du PCC à Chongqing, une grande ville du sud-ouest du pays, est la personnalité la plus haut placée à comparaître en justice en Chine depuis la chute en 1976 de Jiang Qing, la veuve de Mao Zedong, et de sa "bande des quatre".

L'épouse de Bo Xilai, Gu Kailai, et l'ex-chef de la police de la ville Wang Lijun ont tous les deux été incarcérés pour leur rôle dans le scandale qui a éclaté après le meurtre en 2011 à Chongqing de l'homme d'affaires britannique Neil Heywood.

Selon l'accusation, après avoir aidé Gu Kailai à échappé aux soupçons d'empoisonnement de Neil Heywood, Wang Lijun a étouffé des preuves du meurtre.

Wang Lijun s'était réfugié quelques jours au consulat américain de Chengdu en février 2012, avant d'en sortir et d'être inculpé. Quelques semaines plus tard, Bo Xilai était démis de ses fonctions de chef du PCC dans la région. Il n'est pas réapparu en public depuis et ne s'est jamais expliqué publiquement sur l'affaire.

Les autorités ont donné peu de détails sur les faits qui lui sont reprochés, mais le magazine Caijing a expliqué peu après l'inculpation qu'il était accusé d'avoir abusé de ses fonctions pour empêcher une enquête sur son épouse.

En ce qui concerne les accusations de corruption, elles concerneraient des actes commis lorsque Bo Xilai était maire du port de Jalian, avant la prise de ses fonctions à Chongqing.

Selon Caijing et le journal hong-kongais South China Morning Post, il lui est reproché d'avoir reçu plus de 20 millions de yuans (2,4 millions d'euros) de pots-de-vin et détourné plus de cinq millions de yuans à son profit.

Avant sa chute, l'ancien cadre du PCC était considéré comme l'une des principales figures des "princes rouges", la nouvelle génération de descendants de l'élite du PCC, en raison d'un discours et de mesures populistes, qui tranchaient avec la rhétorique prudente des courants qui domine le parti.

Bo Xilai était à la fois craint par les réformistes pour ses références fréquentes à Mao Zedong, et admiré par une partie de l'aile gauche du PCC pour ses déclarations en faveur du rôle de l'Etat dans la réduction des inégalités, ainsi que ses campagnes de lutte contre le crime organisé.

UN TEST POUR LA LUTTE ANTI-CORRUPTION

Son procès débutera jeudi à 08h30 (00h30 GMT) devant le Tribunal populaire intermédiaire de Jinan, la capitale de la province du Shandong, sur la côte orientale du pays, a précisé Chine nouvelle, sans plus de précision.

Une porte-parole du tribunal a confirmé l'information mais a refusé de préciser la durée prévue du procès, qui pourrait ne pas excéder une journée.

Le principal avocat de Bo Xilai, Li Guifang, n'a pas répondu aux appels téléphoniques de Reuters.

Il est pratiquement certain que Bo Xilai sera condamné, le parquet et les juges étant soumis à l'autorité du PCC, et les faits qui lui sont reprochés peuvent en théorie lui valoir la peine de mort.

"J'espère qu'il ne sera pas condamné à mort car c'est une peine que nous devons utiliser de moins en moins. Mais je m'attends à une lourde peine", a dit Li Zhuang, avocat et opposant de premier plan à Bo Xilai lorsqu'il dirigeait le PCC à Chongqing.

Le Wall Street Journal a rapporté que l'épouse de Bo Xilai serait le principal témoin de l'accusation mais une source proche du dossier, qui a requis l'anonymat, a dit qu'elle ne témoignerait pas. On ignore si elle a fourni à l'accusation des éléments de preuve.

Le procès de Bo Xilai mettra indirectement à l'épreuve l'autorité du nouveau président chinois, Xi Jinping, sur le PCC et sa détermination à lutter contre la corruption.

En arrivant au pouvoir, Xi Jinping s'est engagé à chasser aussi bien les "tigres" que les "mouches", en clair, à n'épargner aucun échelon du parti au pouvoir pour faire reculer la corruption qui, selon lui, pourrait finir par menacer la survie même du PCC.

Mais pour l'instant, rares sont les "tigres" tombés à cause de cette campagne, d'autant que l'affaire Bo Xilai avait éclaté avant l'arrivée au pouvoir de l'actuel président.

Le procès aura très probablement lieu à huis clos, au risque d'alimenter les soupçons de nombreux chinois qui considèrent Bo Xilai comme la victime de luttes intestines au sein des cercles dirigeants. (avec Sabrina Mao et Wee Sui-Lee; Julien Dury et Marc Angrand pour le service français)