Ecofi Investissements peut se féliciter d'avoir passé la crise financière sans encombre. En effet, en 2009, ses encours ont fortement progressé, sur les neuf premiers mois de l'année, la collecte s'est élevée à 2 milliards d'euros pour atteindre les 10 milliards d'euros d'encours. Au dernier trimestre de l'an dernier toutefois, la société de gestion a enregistré un repli de ses encours. Elle a ainsi terminé l'année avec 8,68 milliards d'euros d'encours sous gestion. Cette baisse serait liée à des décaissements saisonniers. «Notre clientèle intègre un grand nombre de caisses de retraite et d'institutions de prévoyance qui versent en fin d'année des prestations, indique Christophe Couturier, directeur général d'Ecofi Investissements. Par conséquent, elles sont dans l'obligation à cette période de l'année de liquider un certain nombre de positions. La situation se rééquilibre en début d'année lorsque celles-ci perçoivent les cotisations de leurs adhérents».

La progression des encours d'Ecofi Investissements s'explique par le positionnement historique de la société de gestion dans les fonds éthiques et solidaires et dans l'investissement socialement responsable (ISR). Dès 1983, la société de gestion est l'une des premières en Europe à lancer un fonds de partage. Depuis lors, elle cherche à approfondir et à enrichir cette spécialité. D'ailleurs, les évolutions capitalistiques du groupe n'ont cessé de confirmer ce choix. Ecofi Investissements est issue du rapprochement entre trois entités de gestion. A l'origine, Ecofi Gestion est une société de gestion indépendante créée par Daniel et Catherine Huguel. Celle-ci a été achetée en 2002 par le Groupe Crédit Coopératif. Ce dernier l'a alors rapprochée de BTP Investissements, la deuxième entité de gestion, filiale de gestion du groupe BTP Banque, une banque coopérative spécialisée dans le secteur du bâtiment, achetée en 1996 par le Crédit Coopératif. Enfin, la dernière entité est la filiale de gestion du Crédit Coopératif, à savoir Efigestion. Le Crédit Coopératif et BTP Banque appartenant tous les deux au secteur coopératif, ils affichent une nette orientation vers l'économie sociale. «Nous affirmons nos valeurs coopératives qui reposent sur la proximité avec nos clients, indique Christophe Couturier. En effet, dans une coopérative, les clients sont en même temps les sociétaires, il ne peut donc pas y avoir de conflit d'intérêt entre les actionnaires et les clients. Nous développons ainsi des relations de long terme avec nos clients, ce qui nous donne la capacité de mener une gestion fondamentale.» La clientèle d'Ecofi Investissements est composée des deux réseaux du groupe, celui du Crédit Coopératif et celui de BTP Banque. Mais un bon tiers est constitué par la clientèle directe de la société de gestion : il s'agit principalement d'institutionnels et d'entreprises, mais aussi plus à la marge de plates-formes de distribution.

Pour accompagner les préoccupations de sa clientèle, la société de gestion est passée depuis deux ans au tout ISR, c'est-à-dire qu'elle utilise pour l'ensemble de ses fonds à la fois une analyse financière et une analyse extra-financière. «Nous avons toujours eu une sensibilité forte en faveur de l'ISR, rappelle Christophe Couturier. Toutefois, nous avions le sentiment que nos clients n'affichaient pas avant la crise une appétence forte pour les investissements socialement responsables. Leurs préoccupations ont nettement évolué depuis la crise. Les investisseurs institutionnels ont pris conscience que l'ISR permettait de mieux maîtriser les risques et se tournent vers les sociétés de gestion qui disposent d'un historique en la matière. Cela nous a conduit à revoir notre processus d'investissement ISR pour l'étendre à l'ensemble de la gestion.»

Pour démonstration, la société de gestion a régulièrement communiqué depuis la crise sur le fait qu'elle n'avait pas en portefeuille de titres dits toxiques (Lehman Brothers, subprime...).
Ecofi Investissements dispose dans cette perspective d'une équipe d'analystes extra-financiers composée de 4 personnes spécialisées par thème (gouvernance, environnement, etc.). Ils utilisent les travaux des agences de notation extra-financières comme ceux de Vigeo, d'Ethis Finance et d'Innovest et les complètent par leurs propres analyses. Ils déterminent de cette façon un univers d'investissement dans lequel les gérants vont piocher. Cet univers est plus ou moins large en fonction du style de gestion. «Toute la gestion est menée avec une sensibilité éthique et celle-ci est renforcée pour les fonds de notre gamme éthique et solidaire», précise Christophe Couturier. Concrètement, cela signifie qu'une note est établie pour chaque entreprise. Une très mauvaise note est éliminatoire quel que soit le type de gestion. «Nous excluons les hors-la-loi, c'est-à-dire les entreprises qui ne respectent pas les droits humains ou encore qui ont une activité clairement néfaste pour l'environnement», poursuit Christophe Couturier. Ensuite, les entreprises sont sélectionnées avec un filtre ISR plus ou moins exigeant. L'exigence sera très forte pour les fonds classés dans les catégories éthiques ou solidaires et un peu moins pour le reste de la gestion.

Pour les obligations souveraines, la société de gestion a établi un modèle qui lui permet de hiérarchiser les signatures. Comme elle n'investit que dans des titres de la zone de l'OCDE, cela limite la nécessité d'exclure des pays «voyous». Par ailleurs, compte tenu de l'essor de l'Asie dans la finance internationale, la société de gestion recherche activement une agence de notation extra-financière locale afin d'affiner sa perception des sociétés de la région. «Nous investissons dans l'Asie développée, au Japon, en Corée du Sud, à Singapour et à Hong Kong, indique Christophe Couturier. L'Asie représente déjà une part significative de notre portefeuille actions, et cette proportion devrait encore augmenter. A ce titre, nous souhaitons travailler avec une agence extra-financière locale. Aujourd'hui nous travaillons avec des acteurs basés en Europe, mais, cela ne nous semble pas entièrement satisfaisant».

Toujours dans l'optique de mettre en oeuvre une analyse fondamentale, la société de gestion dispose d'une cellule de recherche économique composée de deux personnes. «Ils nous apportent un éclairage sur les données macroéconomiques, analysent les pays, permettent de déterminer la répartition de l'allocation d'actifs de nos fonds entre les classes d'actifs et les zones géographiques et participent à l'élaboration de la stratégie d'investissement, explique Christophe Couturier. Il nous apparaît particulièrement important de disposer d'une équipe de recherche propre, indépendante, même si celle-ci utilise aussi la recherche proposée par les grandes maisons.»

La gestion d'actifs proprement dite intègre 21 gérants répartis sur plusieurs pôles : la gestion actions, les taux, l'allocation d'actifs et la gestion quantitative. Ils sont épaulés par une équipe importante de contrôle des risques comprenant sept personnes ayant en charge à la fois le contrôle opérationnel, le contrôle des risques financiers et le respect de la conformité. Dans cette perspective, la gestion quantitative est menée avec de multiples précautions afin de répondre aux exigences éthiques de la société de gestion. «Tous les modèles mathématiques que nous utilisons pour notre gestion, y compris ceux utilisés dans le cadre de la gestion alternative, sont conçus de façon à n'avoir aucun impact directionnel sur les marchés, relate Christophe Couturier. Nous allons par exemple sélectionner les valeurs survendues ou surachetées et intervenir par paires (c'est-à-dire en compensant une vente par un achat et vice versa) pour ne pas déséquilibrer le marché. Nos modèles détectent les anomalies de marché et contribuent à y mettre fin.»

Par conséquent, même si la société de gestion a connu une érosion de ses encours en gestion alternative, celle-ci a été limitée. «Nous n'avons pas utilisé de clause de blocage de la liquidité, nos fonds alternatifs sont conçus selon une optique prudente, poursuit Christophe Couturier. Le fond du portefeuille est investi en bons du Trésor, les arbitrages sur les marchés sont effectués via des futures. Enfin, tous nos fonds sont de droit français, déposés en France, ce qui constitue une garantie pour l'investisseur.» Cette classe d'actifs aurait donc un avenir selon la société de gestion, une fois l'impact de la crise atténué.

Pour 2010, la société de gestion croit également à la poursuite de l'engouement pour les obligations convertibles. «Nous possédons un fonds d'obligations convertibles très bien classé, indique Christophe Couturier. Cette classe d'actifs devrait continuer à bien performer en 2010». A l'identique, le rally sur le crédit devrait perdurer en 2010. «Le crédit devrait rester attractif, estime Christophe Couturier. Nous disposons dans cette perspective de fonds à échéance jusqu'en 2013. Au-delà, il nous semble prématuré d'anticiper ce qui va se passer quand les taux vont remonter.»
Enfin, la société de gestion devrait promouvoir l'ensemble de sa gamme de fonds ISR, éthique et solidaire qui couvre toutes les classes d'actifs. Elle propose à ce titre des fonds sectoriels sur le thème du développement durable qui s'attachent à la lutte contre le changement climatique, à la protection de la biodiversité, mais aussi à l'éducation ou encore à la santé, des fonds solidaires et des fonds de partage. Une gamme complète qui, d'après elle, lui permet de se démarquer par rapport aux autres sociétés de gestion de taille moyenne.

Sandra Sebag