- par Tom Käckenhoff et Christoph Steitz

Düsseldorf/Francfort (Reuters) - Après l'annonce de la démission de la présidente de Thyssenkrupp Martina Merz, les investisseurs ont réclamé une stratégie claire pour le groupe industriel et des décisions courageuses pour l'avenir de ses activités sidérurgiques.

"La stratégie de Thyssenkrupp est moins claire aujourd'hui qu'il y a douze mois et la séparation de l'entreprise est trop lente", a déclaré mardi à Reuters le directeur du développement durable et de la gouvernance d'entreprise chez Deka Investment, Ingo Speich. L'activité acier est la plus préoccupante, a-t-il ajouté. Il ne peut pas y avoir de "continuation". "Thyssenkrupp n'a même pas réussi à se hisser en tête du secteur au cours d'une année aussi exceptionnellement bonne que 2022". Selon les données d'Eikon, Deka Investment détient 0,31% des actions de Thyssenkrupp et se classe 14e parmi les meilleurs investisseurs.

Mme Merz, présidente du directoire depuis 2019, avait annoncé lundi son départ - bien qu'elle ait encore un contrat jusqu'en 2028. "Après une phase disruptive, il s'agit maintenant d'assurer la réussite durable de la transformation de Thyssenkrupp", a-t-elle expliqué. Pour cela, elle souhaite ouvrir la voie. Son successeur devrait être Miguel Angel Lopez Borrego, actuellement à la tête du fournisseur industriel Norma Group, à compter du 1er juin.

"Le nouveau président du directoire devra faire preuve de courage et de détermination pour poser rapidement les bons jalons pour le groupe", a souligné M. Speich. "Cela impliquera aussi des décisions impopulaires. Mais Thyssenkrupp ne doit pas courir le risque de se retrouver à nouveau aux soins intensifs et de perdre ainsi du temps et de l'argent".

Lopez Borrego serait le quatrième président du directoire de Thyssenkrupp en moins de cinq ans, après Heinrich Hiesinger, Guido Kerkhoff et Merz. La question est de savoir si le groupe historique d'Essen va à nouveau connaître une période d'incertitude et d'auto-emploi, qui coûtera de l'argent à l'entreprise et à ses propriétaires et suscitera des inquiétudes chez les salariés, a déclaré Hendrik Schmidt, expert en gouvernance d'entreprise chez DWS. "Trouver une solution stratégique pour le secteur de l'acier est une partie déterminante de la mission du nouveau PDG". Mais il doit également être clair sur le calendrier de mise en œuvre des plans pour la filiale de chantiers navals Marine Systems et aussi pour la division hydrogène Nucera. Selon Eikon, DWS Investment détient 1,27% des titres Thyssenkrupp, ce qui le place en 8ème position.

Il reste à voir si le président désigné de Thyssenkrupp, M. Lopez Borrego, parviendra à regagner la confiance des investisseurs ou s'il sera pris dans les filets de différentes forces telles que la fondation Krupp, IG Metall, les représentants des salariés, le gouvernement du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie et d'autres acteurs, selon une note d'analyste de Baader Bank.

Merz a récemment été mis sous pression par les actionnaires et les puissants représentants des salariés. Son projet d'autonomisation de la division acier a été contesté. L'introduction partielle en bourse prévue de la filiale d'hydrogène Nucera se fait toujours attendre. En 2020, Merz avait donné de l'air au groupe en difficulté en vendant la branche ascenseurs pour un montant d'environ 17 milliards d'euros. Elle souhaitait externaliser la division acier afin que des investisseurs puissent également y participer. La manière dont l'autonomisation doit être réalisée n'a pas été précisée jusqu'à présent.

"Les actionnaires n'ont jamais vraiment apprécié Mme Merz", a déclaré Marc Tüngler, directeur général de la Deutsche Schutzgemeinschaft für Wertpapierbesitz (DSW). Elle a toutefois pris les rênes dans une période très difficile. L'ancienne cadre de Bosch n'a toujours pas résolu la grande question de l'avenir de l'activité acier. En fin de compte, tout tourne autour de l'avenir de l'activité acier au sein ou en dehors du groupe, a souligné Tüngler. "La démission de Mme Merz montre à quel point la situation est complexe". Il est remarquable que Thyssenkrupp n'ait pas réussi, en période de prix élevés de l'acier, à remettre durablement l'activité sur de meilleures bases. "Cela laisse songeur".

(Rapport de Tom Käckenhoff, Christoph Steitz, rédigé par Ralf Banser. Pour toute question, veuillez contacter notre rédaction à l'adresse berlin.newsroom@thomsonreuters.com (pour la politique et la conjoncture) ou frankfurt.newsroom@thomsonreuters.com (pour les entreprises et les marchés).