Zurich (awp) - La situation du commerce de détail reste difficile en Suisse. Les ventes ont stagné l'année dernière, face à la concurrence de la vente en ligne et du tourisme d'achat. Pour résister, le commerce stationnaire doit devenir plus flexible, estiment mardi Credit Suisse et Fuhrer & Hotz dans leur étude annuelle "Retail Outlook 2020".

En 2019, les ventes se sont tassées dans le commerce stationnaire de produits non alimentaires (-0,3%). Ce secteur paie les pots cassés du segment vêtements et chaussures, en "pleine mutation structurelle". Les chiffres d'affaires nominaux y ont reculé de 4,5%.

Le commerce de détail a toutefois pu profiter d'un léger soutien du secteur alimentaire (+0,5%).

Les discounters Denner, Aldi et Lidl ont joué un rôle moteur, tout comme la multiplication des magasins de proximité et boutiques de stations-services. En dix ans, les chiffres d'affaires de ces surfaces, plus petites et aux horaires plus flexibles, ont bondi de plus de 36%.

En dépit de ce tableau en demi-teinte, la situation sur le front de l'emploi s'est stabilisée. "Après un repli constant du nombre de postes équivalents plein-temps depuis 2015, la tendance baissière s'est enfin interrompue en 2019", a indiqué Tiziana Hunzicker, économiste chez Credit Suisse et co-auteure de l'étude.

Les achats transfrontaliers continuent de peser. En plus du renchérissement du franc par rapport à l'euro, les écarts de prix (cours de change compris) pour un panier moyen restent élevés. En 2019, les Suisses payaient 48% de plus que les Allemands et respectivement 41% et 42% de plus que les Français et les Italiens.

De son côté, le e-commerce poursuit son essor, avec un chiffre d'affaires presque doublé en dix ans, atteignant 9,5 milliards de francs suisses en 2018. Les acteurs étrangers pèsent pour 20% du marché et Zalando représente à lui seul 44% du total généré par ceux-ci. En 2019, le berlinois devrait passer la barre des 900 millions de francs suisses de ventes dans la Confédération, selon les projections de Credit Suisse. Zalando ne publie pas de chiffre spécifique pour la Suisse.

"Zalando a réussi à devenir numéro 1 en Suisse, même en incluant le commerce de l'habillement stationnaire", s'est exclamé Martin Hotz, directeur de Fuhrer & Hotz et co-auteur de l'étude.

Le commerce stationnaire souffre

La baisse de la demande pour les surfaces de vente se fait sentir, avec des taux de vacance en hausse. "On a perdu 3000 points de vente", s'est alarmée Tiziana Hunzicker. Ainsi, les boutiques sont souvent remplacées par des restaurants, salons de coiffure, instituts de beauté ou bureaux.

Avec la baisse de la densité de l'offre, la fréquentation décline également, ce qui complique la survie des enseignes restantes et la location des surfaces inoccupées. Au final, cela entraîne une chute de la qualité des localisations concernées.

"Pour lutter contre les surfaces vacantes, cela passe soit par des adaptations en vue d'une autre utilisation ou en flexibilisant les locations", explique Mme Hunzicker.

Des surfaces de vente flexibles et innovantes permettent de "se démarquer de l'e-commerce", selon l'étude. Cela peut être des "shop-in-shop" (points de vente à l'intérieur des magasins), où une partie de la surface est sous-louée ou des "pop-up stores", sortes de magasins temporaires. Les annonces proposant des surfaces de vente flexibles ont d'ailleurs plus que doublé ces trois dernières années.

"Les pop-up n'émergent toutefois que dans les centre-villes et ne peuvent pas être envisagés comme une solution globale pour l'ensemble du secteur", relativise Mme Hunzicker.

Ces évolutions ont une influence sur la manière d'appréhender le commerce stationnaire. "Avant, on mesurait le succès d'un point de vente par des variables économiques: l'évolution du chiffre d'affaires, la part de ce dernier par rapport à la surface de vente ou encore le chiffre d'affaires par vendeur", explique M. Hotz.

Un changement de paradigme est toutefois en train de s'affirmer: "maintenant, la performance se mesure prioritairement à l'aune des services et de la satisfaction des clients qui se rendent en magasin", explique le spécialiste.

Pour 2020, les perspectives restent timides. Alors que les incertitudes géopolitiques devraient persister, ce seront essentiellement la progression démographique (prévision de croissance de la population de 0,9%) et la légère augmentation du pouvoir d'achat qui soutiendront la croissance.

Les chiffres d'affaires nominaux du commerce de détail devraient croître de 0,4%, selon les prévisions de Credit Suisse, qui se fondent sur le commerce stationnaire.

L'alimentaire (+0,8%) devrait inscrire une croissance cette année tandis qu'un repli est escompté dans le non-alimentaire (-0,2%), en raison de la situation toujours difficile du commerce stationnaire de vêtements et de chaussures (-5,0%). Les prix sont attendus en hausse de 0,3%.

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