La BCE et les 20 banques centrales des pays qui partagent l'euro ont commencé à enregistrer des pertes importantes après avoir augmenté les taux d'intérêt sur les dépôts à un niveau record dans le but de freiner le crédit et la croissance des prix dans la zone euro.

Cherchant à réduire ces paiements d'intérêts, les banquiers centraux de la zone euro ont relancé un débat sur la rémunération des dépôts gouvernementaux lors de leur réunion de politique générale de jeudi dernier, ont déclaré les deux sources proches du dossier.

Mais ils ont reporté toute décision après la discussion préliminaire de la semaine dernière, craignant qu'un changement ne se retourne contre eux, ont ajouté les sources.

Les gouverneurs craignent qu'une réduction des intérêts qu'ils paient sur les fonds publics n'incite les gouvernements à se tourner vers les banques commerciales, qui placeraient alors cet argent à la BCE pour une rémunération encore plus élevée, selon les sources.

Un porte-parole de la BCE s'est refusé à tout commentaire.

Les décideurs politiques réexamineront probablement le sujet l'année prochaine, selon les sources, lorsque la BCE devra également s'attaquer à la question plus large des liquidités excédentaires qui circulent dans le système bancaire.

Au début de l'année, la BCE a fixé un plafond pour la rémunération des dépôts détenus par les gouvernements auprès des banques centrales de la zone euro, qui doit être égal au taux à court terme de l'euro (EURSTR), actuellement de 3,9 %, moins 20 points de base.

La Bundesbank, qui attire traditionnellement les fonds publics en raison de la sécurité perçue de l'Allemagne, et quelques autres banques centrales nationales de la zone euro ont déjà abaissé leurs propres taux à zéro.

Entre-temps, les gouvernements ont réduit leurs dépôts auprès des banques centrales de l'Union, qui sont passés de 647 milliards d'euros (683 milliards de dollars) en juillet 2022 à 205 milliards d'euros au dernier décompte.

FINANCER LES ÉTATS ?

Traditionnellement, les gouvernements ne percevaient pas d'intérêts sur leurs liquidités déposées à la banque centrale, conformément à l'interdiction de la BCE de financer les caisses publiques.

Mais des années d'achats d'obligations d'État par la BCE et la hausse plus récente des taux d'intérêt ont compliqué la situation.

En septembre 2022, la BCE a porté son taux d'intérêt sur les dépôts des banques commerciales au-dessus de zéro.

Craignant "un brusque afflux" de liquidités publiques sur le marché monétaire, qui avait été privé de garanties essentielles par les achats d'obligations de la BCE, la banque centrale a commencé à rémunérer également les dépôts des administrations publiques.

La question pourrait maintenant s'avérer être politique aussi bien que financière. Les banques commerciales ont vu leurs bénéfices grimper en flèche grâce aux taux d'intérêt élevés de la BCE, ce qui leur a valu des critiques publiques et même des taxes de la part des gouvernements lituanien, espagnol et italien.

Les gouvernements de la zone euro n'ont bénéficié que d'une partie de cette manne, mais ils risquent de payer l'intégralité de la facture si leur banque centrale a besoin d'être renflouée, comme l'a prévenu la Banque nationale néerlandaise.

Les banques commerciales de la zone euro gagnent 4,0 % sur l'excédent de liquidités qu'elles placent auprès de leur banque centrale, soit 3 500 milliards d'euros après que la BCE a inondé le système d'argent au cours de la dernière décennie, alors qu'elle tentait de stimuler une inflation trop faible par des achats massifs d'obligations.

D'autre part, les gouvernements ont bénéficié de riches dividendes de la part de leurs banques centrales au cours des dernières années grâce au produit de ces mêmes achats.

Christine Lagarde, présidente de la BCE, a déclaré la semaine dernière que la banque centrale "n'a pas pour objectif d'afficher des bénéfices ou de couvrir des pertes", ajoutant que les décideurs politiques n'avaient pas discuté de l'augmentation de la part des réserves non rémunérées des banques.

Mais la question se pose pour les banques centrales des pays riches. La Banque nationale suisse a décidé lundi de réduire le montant des intérêts qu'elle verse aux banques commerciales, tandis que la Réserve fédérale et la Banque d'Angleterre affichent également des pertes.

(1 dollar = 0,9472 euro)