L'économie canadienne flirte avec la récession, ce qui contraste avec la forte croissance enregistrée récemment aux États-Unis. Cette situation a commencé à libérer des capacités inutilisées dans l'économie, notamment en augmentant le taux de chômage, ce qui est un élément clé pour maîtriser les pressions sur les prix.

Toutefois, des facteurs propres au Canada, tels que la baisse de la productivité, les niveaux records d'immigration et une main-d'œuvre relativement syndiquée, pourraient empêcher l'inflation de revenir à l'objectif de 2 % de la Banque du Canada, selon les analystes.

Un ralentissement des baisses de taux au Canada pourrait contribuer à soutenir le dollar canadien. Elle pourrait également retarder le rebond de l'économie et décevoir les ménages lourdement endettés, dont beaucoup doivent renouveler leur prêt hypothécaire à des coûts d'emprunt plus élevés cette année.

"Je pense toujours que le risque d'inflation est plus élevé au Canada qu'aux États-Unis sur la base d'un cycle complet", a déclaré Derek Holt, responsable de l'économie des marchés financiers à la Banque Scotia.

"Il existe des différences marquées entre le Canada et les États-Unis que les marchés n'apprécient pas à leur juste valeur. Il devrait y avoir plus de différences entre les trajectoires des taux de la Fed et de la BdC que ce qui est actuellement prévu."

Les marchés monétaires parient sur le fait que la Fed réduira ses taux dès le mois de mars, alors qu'ils penchent pour le mois d'avril pour le premier assouplissement de la part de la Banque du Canada.

Les données publiées mardi montrent que l'inflation canadienne s'est accélérée pour atteindre 3,4 % en décembre. Ce taux correspond à celui des États-Unis, mais la croissance des salaires au Canada est beaucoup plus forte, à 5,7 % le mois dernier.

UNE MAIN-D'ŒUVRE FORTEMENT SYNDIQUÉE

Selon M. Holt, la croissance des salaires pourrait être lente à s'atténuer, car les conventions collectives fixent des accords salariaux pluriannuels. La main-d'œuvre canadienne est syndiquée à près de 30 %, ce qui est bien supérieur au taux de 10 % observé aux États-Unis.

La baisse de la productivité tend à accentuer les pressions inflationnistes dues à l'augmentation des salaires en faisant grimper les coûts unitaires de main-d'œuvre. La productivité canadienne a baissé au troisième trimestre pour le sixième trimestre consécutif.

Chez BMO Capital Markets, Doug Porter, économiste en chef, s'attend à ce que l'inflation soit assez similaire des deux côtés de la frontière en 2024, mais il est plus prudent en ce qui concerne le Canada.

"Si je devais dire dans quel sens se situent les risques, je dirais même que le problème de l'inflation au Canada pourrait être un peu plus épineux cette année en raison des pressions salariales et de la composante immobilière", a déclaré M. Porter.

Le coût des intérêts hypothécaires est un facteur important de l'inflation des logements au Canada, mais un autre facteur est le rythme rapide de l'immigration qui alimente une pénurie de logements. La population du Canada a augmenté au troisième trimestre au rythme le plus rapide depuis 1957, presque entièrement en raison de l'arrivée de nouveaux résidents.

Le mois dernier, la Banque du Canada a appelé à des changements de politique pour stimuler la construction de logements et réduire la pression sur l'inflation causée par le manque de logements, en particulier dans une période d'immigration record. La banque centrale doit prendre une décision sur les taux d'intérêt et mettre à jour ses prévisions économiques le 24 janvier.

"Nous finirons par arriver au même point que les États-Unis, mais nous pensons que nos réductions de taux, au Canada, interviendront quelques mois après celles des États-Unis", a déclaré Andrew Kelvin, stratège en chef pour le Canada chez TD Securities.