par Brian Ellsworth

CARACAS, 25 janvier (Reuters) - Le président de l'Assemblée vénézuélienne Juan Guaido a déclaré jeudi soir, au lendemain de sa prestation de serment unilatérale en tant que chef de l'Etat par intérim, vouloir organiser de nouvelles élections au plus vite.

Forte du soutien de plusieurs pays, dont les Etats-Unis, l'opposition vénézuélienne entend continuer d'exercer sa pression sur le président Nicolas Maduro, réélu à la tête du Venezuela en mai dernier à l'issue d'un scrutin boycotté par l'opposition.

Dans un entretien télévisé à Univision, Juan Guaido a déclaré qu'il s'agissait "du début de la fin" pour Nicolas Maduro et qu'il allait oeuvrer à l'acheminement d'aide humanitaire et la mise en place de nouvelles mesures économiques pour lutter contre l'hyperinflation dans le pays.

"Notre défi est de garantir la tenue d'élections libres, et nous les voulons le plus vite possible. Mais nous vivons sous un régime dictatorial", a-t-il dit, depuis un lieu tenu secret.

Guaido a de nouveau proposé d'amnistier les membres de l'armée et les représentants qui désavoueraient Nicolas Maduro. Il a ajouté qu'il pourrait étendre son offre à des membres du gouvernement, voire à Maduro lui-même si celui-ci quittait ses fonctions de son plein gré.

Donald Trump a immédiatement reconnu mercredi Juan Guaido comme président du Venezuela et John Bolton, le conseiller à la Sécurité nationale de la Maison blanche, a promis jeudi de faire le nécessaire pour que les revenus pétroliers lui parviennent à lui, plutôt qu'à l'administration de Nicolas Maduro.

Outre l'appui de Washington, qui a demandé la réunion, samedi, du Conseil de sécurité des Nations unies, le chef de file de l'opposition a reçu ceux du Canada et des gouvernements latino-américains orientés à droite, comme le Brésil et la Colombie, tandis que l'Union européenne et la plupart de ses Etats membres, dont l'Espagne et la France, ont appelé à la tenue d'élections démocratiques au Venezuela.

De source canadienne, on indique qu'Ottawa accueillera en février ou en mars une réunion des pays membres du groupe de Lima, une organisation panaméricaine réunissant 14 Etats qui ont, dans leur grande majorité, apporté leur soutien à Guaido.

L'EUROPE EN POSITION DE MÉDIATRICE

A l'inverse, le Mexique, la Turquie, la Chine et la Russie ont apporté leur soutien à Nicolas Maduro, Moscou mettant particulièrement en garde contre toute tentative d'intervention militaire américaine.

Le successeur d'Hugo Chavez a dénoncé mercredi une tentative de coup d'Etat et annoncé la rupture des relations diplomatiques avec les Etats-Unis, avant de décider, jeudi, la fermeture de l'ambassade et des consulats du Venezuela aux Etats-Unis.

Le ministre de la Défense, Vladimir Padrino, a accusé à son tour l'opposition de vouloir renverser le "président légitime".

L'issue de la crise dépend en bonne partie de l'attitude de l'armée vénézuélienne, que Juan Guaido a appelée à se rallier à lui, mais dont les principaux chefs ont, à l'instar de Vladimir Padrino, jusqu'à présent fait bloc derrière Nicolas Maduro.

Quatorze personnes ont été tuées depuis le début de la nouvelle vague de manifestations antigouvernementales mardi, selon les ONG vénézuéliennes. De nombreux opposants craignent que Juan Guaido ne soit arrêté, comme son mentor, Leopoldo Lopez, maintenu en résidence surveillée depuis les manifestations de 2014.

Invoquant des raisons sécuritaires, le département d'Etat américain a annoncé jeudi soir avoir ordonné à des membres de son personnel diplomatique de quitter le Venezuela. Washington a appelé les ressortissants américains à faire de même.

L'effondrement économique du Venezuela, avec une inflation annuelle proche de deux millions de pour cent, a jeté des centaines de milliers de contestataires dans les rues ces derniers jours.

Evoquant les manifestations géantes à Caracas, l'Union européenne a estimé dans un communiqué que les Vénézuéliens avaient "massivement réclamé la démocratie et la possibilité de décider librement de leur propre destin".

Le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, a déclaré que Nicolas Maduro n'avait "aucune légitimité démocratique".

Alors que la plupart des pays européens se sont contentés d'appeler pour cela à la tenue d'élections libres, le président du Conseil européen, Donald Tusk, a semblé aller un peu plus loin en invitant sur Twitter l'Europe à "s'unir derrière les forces démocratiques" au Venezuela. (avec Steve Holland et Roberta Rampton à Washington, Vivian Sequera et Angus Berwick à Caracas, Robin Emmott à Bruxelles; Tangi Salaün et Jean Terzian pour le service français)