GAZA/JÉRUSALEM - L'armée israélienne a réitéré dimanche sa proposition d'évacuer les bébés du plus grand hôpital de Gaza, mais des responsables palestiniens ont déclaré que les violents combats à proximité de l'établissement empêchaient toute sortie sécurisée, alors que deux nouveau-nés sont morts et que des dizaines d'autres sont menacés par une coupure d'électricité.

L'hôpital Al Chifa et d'autres hôpitaux du nord de la bande de Gaza sont submergés par le nombre de personnes blessées par les bombardements israéliens et manquent de médicaments et de carburant pour faire fonctionner leurs groupes électrogènes.

Israël demande avec insistance au personnel médical, aux patients et aux civils qui ont trouvé refuge aux abords des hôpitaux d'évacuer vers le sud de la bande de Gaza pour laisser le champ libre aux militaires qui affirment que des centres de commandement du Hamas sont dissimulés sous les bâtiments.

S'exprimant à l'intérieur de l'hôpital Al Chifa, le porte-parole du ministère de la Santé de Gaza contrôlé par le Hamas, Achraf al Qidra, a déclaré à Reuters que les tirs israéliens "terroris(ai)ent le personnel médical et les civils".

Le porte-parole de l'armée israélienne, le contre-amiral Daniel Hagari, a déclaré samedi que l'armée israélienne était prête à évacuer une quarantaine de bébés prématurés de l'hôpital à la demande du personnel sur place.

Interrogé sur ces possibles évacuations, Achraf Al Qidra a répondu: "Nous n'avons été informés d'aucun mécanisme permettant d'évacuer les bébés vers un hôpital plus sûr. Jusqu'à présent, nous prions pour leur sécurité et pour ne pas en perdre davantage."

Le Croissant-Rouge palestinien a déclaré que le personnel médical d'un autre hôpital du nord de Gaza, Al Qods, avait du mal à soigner les patients avec peu de médicaments, d'eau et de nourriture.

"L'hôpital Al Qods est coupé du monde depuis 6 à 7 jours. Aucune entrée, aucune issue", a déclaré à Reuters Tommaso Della Longa, porte-parole de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

SITUATION CRITIQUE À AL CHIFA

L'hôpital Al Chifa ne peut plus recevoir non plus de blessés, a déclaré Mohamed Qandil, qui travaille dans un établissement de Khan Younis, au sud de Gaza, et qui est en contact avec ses collègues sur place.

"L'hôpital Al Chifa ne fonctionne plus, personne n'est autorisé à entrer, personne n'est autorisé à sortir, et si vous êtes blessé, vous ne pouvez plus y être amené en ambulance", a-t-il dit.

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a dit samedi avoir perdu tout contact avec l'hôpital Al Chifa et s'inquiéter "pour la sécurité et la santé des employés, des centaines de patients malades et blessés, notamment des nouveau-nés et des personnes déplacées, qui se trouvent encore dans l'hôpital".

Israël a au contraire assuré dimanche qu'il était possible d'évacuer en toute sécurité trois hôpitaux du nord de Gaza, dont Al Chifa.

Alors que la situation humanitaire à Gaza ne cesse de se détériorer, les autorités ont annoncé que le poste-frontalier de Rafah vers l'Égypte rouvrirait dimanche pour les détenteurs de passeports étrangers. Environ 80 d'entre eux ont franchi la frontière dans la matinée.

Très peu d'aide est entrée à Gaza depuis qu'Israël a déclaré la guerre au Hamas il y a plus d'un mois après que des commandos islamistes se sont livrés à des massacres de civils dans le sud d'Israël, tuant environ 1.200 personnes et en prenant plus de 200 en otages, selon les autorités israéliennes.

Plus de 11.000 personnes ont depuis été tuées à Gaza, dont environ 40% d'enfants, selon les dernier chiffres des services de santé locaux.

VIOLENTS COMBATS

Selon des habitants contactés par Reuters, les combats au sol s'intensifient dans le nord de Gaza, où le Hamas a affirmé samedi avoir détruit 27 chars et véhicules israéliens en 48 heures.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a annoncé de son côté samedi soir la mort de cinq soldats supplémentaires, portant à 46 le nombre de militaires tués depuis le début de l'opération terrestre.

Une habitante de la ville de Gaza, Jamila, 54 ans, a déclaré qu'elle et sa famille pouvaient entendre le rugissement des chars opérant à 700 mètres de leur maison.

"Pendant la journée, les gens essaient de chercher des produits essentiels comme du pain et de l'eau, et la nuit, ils essaient de rester en vie", a-t-elle expliqué à Reuters par téléphone.

La mère de six enfants a dit que sa famille avait peur de partir. "Nous entendons qu'il y a beaucoup de bombardements dans le Sud et qu'il n'y a pas de nourriture. La situation là-bas ne semble pas meilleure", a-t-elle déclaré.

Les services de santé ont déclaré que 13 personnes avaient été tuées dimanche dans une frappe aérienne israélienne contre une maison à Khan Younis.

Dans ce contexte dramatique, les trois principales chaînes d'information israéliennes ont évoqué samedi des progrès en vue d'un éventuel accord visant à obtenir la libération d'une partie des otages du Hamas, en échange notamment d'un cessez-le-feu temporaire et de la libération de Palestiniens retenus en Israël.

Les chaînes n'ont toutefois pas cité leurs sources et ni le Hamas, ni les autorités israéliennes n'avaient fait dimanche midi de commentaire à ce sujet.

(Reportage de Nidal al-Mughrabi à Gaza, Maayan Lubell, Maytaal Angel et Emily Rose à Jérusalem ; version française Camille Raynaud et Tangi Salaün)

par Nidal al-Mughrabi, Emily Rose et Maayan Lubell