(Actualisé avec réaction US §§6-8)

par Jeffrey Heller et David Alexander

JERUSALEM, 5 novembre (Reuters) - Sur internet et les réseaux sociaux, Ran Baratz a accusé Barack Obama d'être antisémite et le secrétaire d'Etat américain John Kerry d'avoir l'âge mental d'un garçon de douze ans.

Il a aussi estimé que le président israélien Reuven Rivlin, dont la fonction est largement protocolaire, servait à si peu de choses qu'il ne risquait pas d'être un jour assassiné.

Des propos que personne n'aurait relevés si leur auteur n'était pas devenu mercredi le "Monsieur Médias" du Premier ministre Benjamin Netanyahu.

Agé de 42 ans, Ran Baratz enseigne la philosophie à l'université et vit dans une colonie juive de Cisjordanie.

A son nouveau poste de directeur de la communication de Netanyahu, il est notamment chargé d'améliorer l'image de l'Etat d'Israël dans le monde.

"Ses commentaires à propos des responsables américains, notamment du président et du secrétaire Kerry, sont préoccupants et offensants. Nous attendons des responsables gouvernementaux de n'importe quel pays, et surtout de nos plus proches alliés, qu'ils s'expriment avec respect et sincérité au sujet des dirigeants du gouvernement des Etats-Unis", a déclaré le porte-parole du département d'Etat, John Kirby.

Il a ajouté que John Kerry avait eu une conversation avec Benjamin Netanyahu et qu'à ce qu'il semblait, le Premier ministre israélien "reverrait" la nomination de Ran Baratz après sa réunion prévue la semaine prochaine à la Maison blanche.

Barack Obama et Benjamin Netanyahu doivent se voir la semaine prochaine à la Maison blanche pour rapprocher leurs positions après l'accord sur le nucléaire iranien auquel Israël est opposé.

Quelques heures après la nomination de Ran Baratz, les médias israéliens ont retrouvé sur des sites internet des notes, réflexions et messages du nouveau promu plutôt embarrassants.

Lors d'une conversation téléphonique jeudi avec le Premier ministre, Ran Baratz a présenté des excuses, a-t-on appris de source autorisée.

Dans un communiqué, Benjamin Netanyahu a jugé "déplacées" les anciennes déclarations de Baratz mais n'est pas revenu sur sa nomination.

"ANTISÉMITISME MODERNE"

"Je viens de lire ce que le docteur Ran Baratz a publié sur internet, notamment ses déclarations sur le président israélien, le président des Etats-Unis et d'autres personnalités publiques ici et aux Etats-Unis. Ce sont des déclarations déplacées qui ne reflètent ni mes positions, ni la politique de mon gouvernement", souligne Benjamin Netanyahu.

"Ran Baratz a reconnu que son nouveau rôle public l'obligeait à se comporter de manière diplomatique et réservée, ce qu'il n'avait pas à faire en tant que personne privée sur Facebook", avaient auparavant indiqué les services du Premier ministre.

En mars dernier, Ran Baratz écrivait sur Facebook que les déclarations de Barack Obama après le discours de Netanyahu devant le Congrès américain "donnaient une idée de ce à quoi ressemble l'antisémitisme moderne dans les pays occidentaux et libéraux".

En octobre 2014, il s'en était pris sur le site d'informations alternatives Mida aux "déclarations comiques" de John Kerry -- le chef de la diplomatie américaine venait d'établir un lien entre le conflit israélo-palestinien et le recrutement de combattants par l'Etat islamique.

Ran Baratz avait alors souhaité que le successeur de Kerry soit quelqu'un qui ait "un âge mental supérieur à celui d'un garçon de douze ans".

Quant à ses déclarations sur le président Rivlin, Baratz s'est défendu en affirmant que ce n'étaient que de petites piques satiriques sans portée.

La présidence n'en a pas moins demandé si Netanyahu était au courant de tels propos quand il a décidé de choisir Baratz comme conseiller.

"Ces propos sont particulièrement graves dans la mesure où un haut fonctionnaire a un rôle de représentation et doit refléter les positions de l'Etat d'Israël, dans nos frontières comme à l'étranger", précisent les services de Reuven Rivlin, qui s'étonnent de voir Baratz s'abriter derrière le droit à la satire.

En 2004, Ran Baratz s'était dit favorable à la construction d'un troisième temple juif sur l'esplanade des Mosquées, à Jérusalem, le troisième lieu saint de l'islam.

Les inquiétudes des Palestiniens sur l'avenir du statut de l'esplanade des Mosquées ont largement contribué aux violences qui ont fait 80 morts -- onze Israéliens et 69 Palestiniens -- en Israël et en Cisjordanie depuis plus d'un mois. (Avec Maayan Lubell et Idrees Ali à Washington; Guy Kerivel et Danielle Rouquié pour le service français)