par David Mardiste

Le Premier ministre Andrus Ansip sera l'un des premiers Estoniens à retirer des euros à un distributeur mis en place pour l'occasion et le gouverneur de la banque centrale fera un discours télévisé peu avant minuit.

Le commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires, Olli Rehn, et les Premiers ministres letton et lituanien seront dans la capitale estonienne pour célébrer l'entrée d'un 17e membre dans la zone euro.

Les deux autres pays baltes espèrent imiter leur voisin en 2014 et ainsi renforcer leur indépendance par rapport à Moscou.

Les grands pays de l'ancien bloc communiste considèrent pour leur part que leurs économies sont plus à l'abri en dehors de la zone euro qu'en dedans.

La Pologne et la République tchèque attendent de connaître l'issue de la crise de la dette et craignent de perdre en souplesse en abandonnant la possibilité de jouer sur les taux de change, qui a permis au gouvernement polonais d'éviter la récession en 2009.

"Il y a plus de risques à être dans la zone euro qu'en dehors", a dit récemment le gouverneur de la banque centrale polonaise, Marek Belka.

Les économistes ne s'attendent pas à voir la Pologne, la Hongrie et la République tchèque adopter l'euro avant la fin de la décennie, au plus tôt.

"AU PIRE MOMENT"

À quelques jours de l'échéance, les dirigeants estoniens ont assuré à leurs compatriotes - 1,3 million - que l'entrée dans l'euro était une opportunité.

"Les problèmes de dette de la zone euro ne sont pas la faute de l'euro ou de la crise économique actuelle. Les graines du problème ont été semées il y a très longtemps", a dit le président Toomas Ilves dans un récent discours.

"Par conséquent, la résolution des problèmes actuels ne font que renforcer l'euro et l'Estonie a l'opportunité d'être immédiatement impliquée dans ce processus."

En dépit de l'enthousiasme affiché par le gouvernement, les sondages montrent une opinion publique partagée.

"On rejoint (la zone euro) au pire moment possible et on ne peut pas être certain que la zone euro va continuer sous sa forme actuelle", dit Anti Poolamets, chef de file des opposants à l'euro.

Avec sa prévision pour 2010 d'un déficit public équivalant à 1,3% du produit intérieur brut (PIB) et une dette de 7,2% du PIB en 2009, l'Estonie sera le meilleur élève de la zone euro en ce qui concerne la rigueur budgétaire.

Elle sera aussi le pays le plus pauvre - en PIB par habitant - même si la croissance est revenue après la forte récession due à la crise. La banque centrale prévoit une croissance de 3,9% en 2011.

INDÉPENDANCE

La zone euro ne sera pas profondément modifiée samedi : le PIB de l'Estonie représente 0,2% de l'ensemble.

Sa monnaie est déjà arrimée à l'euro - qui s'échangera contre 15,6466 couronnes -, comme la Lituanie et la Lettonie.

En matière monétaire, l'Estonie a l'habitude d'être précurseur dans la région : le pays était déjà devenu le premier Etat de l'ex-URSS à abandonner le rouble.

L'adoption de l'euro sera d'ailleurs un filet de sécurité pour l'économie estonienne, compte tenu de ses relations très dégradées avec la Russie, estime Andres Kasekamp, directeur de l'Institut estonien de politique étrangère.

"L'objectif de la politique étrangère estonienne a été d'intégrer toutes les organisations internationales ou clubs imaginables pour qu'elle ne soit plus jamais isolée", dit-il.

Les pays baltes cherchent en permanence à garantir leur indépendance politique et économique, après avoir subi les occupations soviétique, nazie et encore soviétique. Ils ont tous les trois rejoint l'Otan et l'Union européenne en 2004.

"Sur le long terme il y a moins de risque d'incertitude et d'instabilité dans la zone euro que dans la région balte, ce qui devrait donc être positif pour l'Estonie en dépit des défis à court terme", dit Annika Lindblad, analyste chez Nordea.

Clément Guillou pour le service français