* Ban Ki-moon retire son invitation aux Iraniens

* La CNS confirme sa participation en l'absence de l'Iran

* Assad envisage de briguer un nouveau mandat

par Louis Charbonneau et Parisa Hafezi

NATIONS UNIES/ISTANBUL, 20 janvier (Reuters) - Le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon a renoncé lundi à inviter l'Iran à la conférence de paix Genève II sur la Syrie qui doit se tenir mercredi en Suisse, assurant ainsi la présence de l'opposition syrienne en exil.

La Coalition nationale syrienne (CNS), organe de l'opposition en exil soutenu par les Occidentaux et les pays du Golfe, avait menacé de boycotter la réunion de Montreux au cas où l'Iran participerait sans avoir accepté au préalable les conclusions de la première rencontre de juin 2012 (Genève I).

Mais après la décision de Ban Ki-moon de retirer son invitation à Téhéran, la CNS a confirmé sa participation à la conférence. "Nous apprécions que les Nations unies et son secrétaire général aient compris notre position. Nous pensons avoir pris la bonne décision", a dit Monzer Akbik, chef de cabinet du président de la CNS.

Le refus de Téhéran, répété à plusieurs reprises dans le courant de la journée par la bouche de plusieurs officiels, de toute condition préalable à sa participation ne laissait guère de choix à Ban Ki-moon.

Le secrétaire général de l'Onu s'est dit "consterné" et "déçu" par la position iranienne après avoir cru, a-t-il dit, que l'Iran soutiendrait le communiqué de Genève I prévoyant la mise en place en Syrie d'une autorité de transition dotée des pleins pouvoirs exécutifs, soit de facto le départ du président Bachar al Assad.

La présence de l'Iran ne peut être acceptée, avait prévenu la CNS, que si la République islamique "déclare publiquement qu'elle retire ses forces (de Syrie), qu'elle adhère sans réserve aux propositions de Genève I et qu'elle s'engage à appliquer les décisions de Genève II".

CONDITION PREALABLE

Après des semaines d'hésitations et de profondes divisions, la CNS a décidé samedi d'envoyer une délégation en Suisse pour entamer des discussions avec Damas.

Plusieurs pays, notamment les Etats-Unis, la France et l'Arabie saoudite, estimaient également que les Iraniens ne pouvaient être présents sur les bords du lac Léman sans adhérer aux propositions de Genève I.

En annonçant avoir invité l'Iran dimanche soir, Ban Ki-moon avait expliqué s'être entretenu longuement ces derniers jours avec Mohammad Javad Zarif, chef de la diplomatie iranienne, et être convaincu que Téhéran était désormais en accord avec la "déclaration de Genève" de 2012.

Pourtant, le député iranien Abbasali Mansouri a souligné lundi que "l'Iran n'acceptera jamais (l'adhésion à) Genève I comme une condition préalable à sa participation aux discussions en Suisse". "La clé de la solution à la crise syrienne est entre les mains de l'Iran", a-t-il dit à l'agence Fars.

Dans la soirée, le représentant de l'Iran aux Nations unies, Mohammad Khazaee, a confirmé que "si la participation de l'Iran est conditionnée à l'acceptation du communiqué de Genève I, l'Iran ne participera pas à la conférence Genève II".

Si pour l'opposition syrienne les négociations doivent nécessairement aboutir au départ de Bachar al Assad, le président syrien, renforcé par ses succès militaires et diplomatiques des derniers mois, envisage de briguer un nouveau mandat.

"ASSAD OU LE CHAOS"

Dans une interview diffusée lundi par l'Agence France Presse, il qualifie ses opposants de "terroristes" et prédit un conflit de longue haleine.

"Je considère que rien n'empêche que je me porte candidat (...) et si l'opinion le souhaite, je n'hésiterai pas une seconde à le faire", dit-il. "Bref, on peut dire qu'il y a de fortes chances que je me porte candidat."

Bachar al Assad, 48 ans, a succédé à son père, Hafez, en juillet 2000. La guerre civile qui a éclaté en mars 2011 dans la foulée des "printemps arabes" a fait plus de 130.000 morts.

Le président syrien récuse toute légitimité à l'opposition, selon lui "fabriquée" par des services de renseignements étrangers. "Ils viennent aux frontières pour une demi-heure avant de prendre la fuite. Comment peuvent-ils alors devenir membres du gouvernement. Est-ce qu'un ministre peut exercer ses fonctions de l'extérieur ?" a-t-il dit. "De telles idées sont totalement irréalistes."

Il a assuré que son armée progressait dans la lutte contre la rébellion. "Nous pouvons dire que nous réalisons des progrès dans la lutte antiterroriste mais cela ne signifie pas que la victoire est imminente", a-t-il déclaré. "Ce genre de bataille est compliqué, elle n'est pas facile et demande beaucoup de temps."

"Si la Syrie perd la bataille, le chaos s'installera dans tout le Moyen-Orient", a averti Bachar al Assad, pour qui la priorité de la conférence Genève II doit être "la lutte contre le terrorisme".

"Nous sommes devant une seule partie, à savoir les organisations terroristes extrémistes indépendamment des appellations dans les médias occidentaux." (Avec Dasha Afanasieva et Yesim Dikmen; Jean-Philippe Lefief, Bertrand Boucey, Guy Kerivel et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)