(Actualisé tout du long avec déclarations supplémentaires et précisions; photo/TV à disposition)

par Samia Nakhoul et Guy Faulconbridge

SAINT-PETERSBOURG, Russie, 5 juin (Reuters) - Le président russe Vladimir Poutine a prévenu mercredi que Moscou pourrait prendre des mesures "symétriques" si des missiles fournis par des pays occidentaux venaient à être utilisés par l'Ukraine pour frapper le territoire russe, déclarant par ailleurs que l'Occident avait tort de penser que la Russie ne recourra pas si nécessaire à l'arme nucléaire.

Il a effectué ces commentaires lors d'un long entretien accordé à des agences de presse internationales, le premier depuis que la Russie a lancé en février 2022 ce que le Kremlin a présenté comme une "opération militaire spéciale" en Ukraine mais que Kyiv et ses alliés dénoncent comme une invasion.

Le conflit a dégradé les relations entre la Russie et l'Occident à un niveau sans précédent depuis la crise des missiles cubains en 1962.

Moscou répète que le risque d'une guerre plus large s'accroît, même si Vladimir Poutine a décrit mercredi comme "stupides" les accusations occidentales selon lesquelles la Russie pourrait attaquer l'Otan, citant la puissance militaire de l'Alliance menée par les Etats-Unis.

Le chef du Kremlin a toutefois prévenu que la Russie pourrait livrer des armes à des pays en mesure de frapper les pays occidentaux qui autoriseraient l'Ukraine à se servir de leurs missiles à longue-portée pour viser des cibles à l'intérieur du territoire russe.

"En premier lieu, bien sûr, nous renforcerions nos défenses aériennes et détruirions (ces missiles)", a-t-il dit mercredi.

"Dans un second temps, puisque certains pensent qu'il est possible d'envoyer de telles armes dans une zone de guerre pour frapper notre territoire (...), pourquoi n'aurions-nous pas le droit d'envoyer nos armes du même type dans des régions du monde d'où peuvent être effectuées des frappes contre des sites sensibles de pays qui infligent cela à la Russie ?".

NE PAS "PRENDRE À LA LÉGÈRE" UN POSSIBLE RECOURS À L'ARME NUCLÉAIRE

Pour résumer, la réponse de Moscou pourrait être "symétrique", a poursuivi Vladimir Poutine, 71 ans, estimant que les pays qui permettraient à l'Ukraine de frapper le territoire russe entreraient de facto en conflit avec la Russie puisque les missiles à longue-portée nécessitent selon lui un guidage par des systèmes et du personnel occidentaux.

Le président américain Joe Biden a discrètement donné son autorisation à l'Ukraine pour utiliser des armes américaines contre des cibles en Russie, mais uniquement à proximité de la région ukrainienne de Kharkiv, à la frontière entre les deux pays, où l'armée russe a intensifié son offensive.

Washington continue d'interdire à Kyiv de recourir à des systèmes disposant d'une portée de 300 kilomètres et à d'autres armes à longue-portée contre le territoire russe.

Le revirement de Joe Biden sur l'utilisation d'armes américaines contre des cibles en Russie près de Kharkiv, annoncé la semaine dernière par des représentants américains, a été suivi dans la foulée par l'Allemagne.

Interrogé par ailleurs par Reuters sur le risque d'une guerre nucléaire, Vladimir Poutine a répondu que la doctrine russe autorisait le recours à l'arme nucléaire en cas de menace pour l'intégrité territoriale ou la souveraineté du pays.

"Pour une raison quelconque, l'Occident pense que la Russie ne l'utilisera jamais, a-t-il déclaré. "Nous avons une doctrine. Si les actions de quelqu'un menacent notre souveraineté et notre intégrité territoriale, nous considérons qu'il est possible pour nous d'utiliser tous les moyens à notre disposition".

"Cela ne doit pas être pris à la légère", a ajouté le président russe. (Samia Nakhoul et Guy Faulconbridge, avec la contribution de Vladimir Soldatkin; version française Jean Terzian)