PARIS, 19 décembre (Reuters) - La Réserve fédérale américaine se montre incertaine sur le nombre de hausses de taux à adopter l'an prochain face aux risques extérieurs pesant sur la croissance et l'inconnue de l'inflation, déclare à Reuters Randy Kroszner, professeur d'économie de la Chicago Booth School of Business de l'université de Chicago et ancien membre du Conseil des gouverneurs de la Fed.

1/ La Fed adopte un ton plus accommodant en ce qui concerne la poursuite de son cycle de resserrement monétaire. Etait-ce à prévoir ?

Randy Kroszner : "Un resserrement plus accommodant était ce qui était attendu. La Fed va donc continuer de relever ses taux mais pourrait faire une pause l'année prochaine et devrait procéder à moins de hausses de taux que cette année. Les "dot plots" suggèrent deux hausses de taux mais il s'agit d'une médiane des projections des membres du FOMC, pas d'un consensus.

"Tout dépendra de la manière dont l'économie évolue. Cette année, ils avaient annoncé quatre hausses de taux et il y en a eu quatre mais les années précédentes, il y en avait eu moins que prévu. Ils craignent que des facteurs extérieurs ne viennent ralentir la croissance mais ils continuent à dire que l'économie américaine est robuste. Ils ne sont pas sur une voie tracée à l'avance. Entre zéro et deux hausses de taux en 2019, c'est probablement la bonne fourchette, mais je crois que personne au sein du FOMC ne sait quel est le bon scénario.

"Ils seront plus flexibles qu'ils l'ont été parce qu'ils sont près du niveau qu'ils considèrent comme neutre, c'est-à-dire ne stimulant ni ne freinant l'économie. Ils ne savent pas exactement où se situe ce taux neutre, probablement autour de 2,75%, et à ce stade, il est naturel de prendre du recul et de voir ce qu'il convient de faire, autrement dit de faire une pause.

"L'inflation, c'est la question à 64.000 dollars, comme dans un jeu télévisé célèbre. La dynamique traditionnelle des salaires et des prix n'a pas été respectée ces derniers temps, avec peu de pressions inflationnistes en dépit d'une croissance soutenue. Quand Jerome Powell dit qu'il va surveiller les indicateurs, cela veut dire qu'il va être notamment attentif à tout signe d'une hausse des prix, que l'on ne voit pas venir pour l'instant."

2 / La Fed vient-elle de prouver qu'elle sait résister à Donald Trump, qui affirme que les hausses de taux peuvent nuire à la santé de l'économie américaine ?

Randy Kroszner : "Depuis que Donald Trump a commencé à formuler cette opinion cette été, la Fed a relevé les taux deux fois, ce qui signale clairement qu'ils vont faire ce qu'ils croient juste pour l'économie. Le président peut, bien sûr, exprimer son point de vue, mais ils vont exercer leur jugement pour déterminer quelle est la politique monétaire appropriée. La hausse de taux d'aujourd'hui (mercredi) illustre cela. Certains pensaient que la Fed n'allait pas agir, en raison à la fois des incertitudes sur les marchés et de la pression du président, mais cela n'a clairement pas été le cas."

3 / La Fed mentionne des risques extérieurs pour la croissance. Quel est, selon vous, le risque principal ?

Randy Kroszner : "Il y a plusieurs zones de risque, à commencer par la Chine, dont la croissance ralentit clairement. Je pense qu'il y a une confusion sur la raison pour laquelle le marché actions américain a souffert récemment, avec une poussée de la volatilité. Si vous regardez les fondamentaux macroéconomiques aux Etats-Unis, ils demeurent assez robustes, mais il faut garder à l'esprit que de nombreuses grosses entreprises américaines ont une exposition importante à la Chine et que la Chine joue un rôle important dans leurs perspectives de croissance. Le fait que les gens se posent des questions sur la capacité de la Chine à gérer le ralentissement de son économie a un impact important sur les composants du S&P-500 et du Dow Jones. Vous pourriez donc avoir une économie américaine toujours solide mais un marché actions défaillant à cause des risques sur la croissance globale, à commencer par la croissance chinoise". (Propos recueillis par Patrick Vignal)