* Pour Ferrand, le référendum ne doit pas être un "fétiche"

* Il veut que les parlementaires aient leur mot à dire

* Un ancien secrétaire d'Etat socialiste prône une dissolution

PARIS, 10 février (Reuters) - Après d'autres poids lourds de la majorité, le président de l'Assemblée nationale se prononce à son tour contre un référendum qui serait organisé en même temps que les élections européennes du 26 mai, pour conclure le "grand débat" censé répondre au mouvement des "Gilets jaunes".

Emmanuel Macron et le gouvernement sont en quête d'une issue à trois mois de crise sociale et politique pour relancer le quinquennat. Recourir à un référendum paraît avoir la faveur de l'opinion et répond à une revendication des "Gilets jaunes".

Mais pour Richard Ferrand, interrogé par le Journal du Dimanche (JDD), ce n'est qu'un "outil parmi d'autres", qu'il ne faut pas agiter "comme un fétiche", le grand débat pouvant aussi bien, selon lui, "se terminer par des lois fortes" ou "d'autres types de mesures, réglementaires ou autres".

"C'est une option parmi de nombreuses autres. Beaucoup de Français (...) n'en sont pas obsédés. Et ce n'est pas parce que des manifestants l'exigent qu'il faut claquer des talons et s'exécuter", ajoute ce proche du chef de l'Etat.

En tout état de cause, organiser ce référendum en même temps que les élections européennes "ne serait pas une bonne idée", insiste Richard Ferrand, qui reprend les arguments d'autres détracteurs de cette idée.

Il estime ainsi que les enjeux européens sont trop importants pour prendre "le risque de les diluer dans une très hypothétique consultation référendaire".

Prié de dire si un remaniement ministériel ou une dissolution de l'Assemblée pourraient constituer d'autres options susceptibles d'offrir un débouché au "grand débat", Richard Ferrand esquive la question. "N'écrivons pas l'ordonnance avant d'avoir fait le diagnostic", dit-il.

Il annonce en revanche que l'Assemblée nationale se saisira des conclusions de la consultation en cours, afin qu'un "grand débat s'y déroule aussi, sans doute au mois d'avril".

TROIS FRANÇAIS SUR QUATRE POUR UN RÉFÉRENDUM

"Les parlementaires auront leur mot à dire et le temps nécessaire pour le dire", promet Richard Ferrand, qui plaide aussi pour un "grand moment de dialogue entre les partenaires sociaux et le gouvernement".

Le Premier ministre Edouard Philippe a déclaré mardi "entendre" les arguments avancés par les opposants à un éventuel référendum post-crise des "Gilets jaunes" le 26 mai.

Mais un sondage Ifop publié par le JDD confirme que l'idée d'un référendum a le soutien d'une grande majorité de Français et que la moitié d'entre eux seraient aussi favorable à ce qu'il ait lieu en même temps que les Européennes.

Sur 1.006 personnes interrogées les 7 et 8 février, 73% disent être favorables à la tenue d'une telle consultation dans les prochains mois et 50%, si elle devait effectivement avoir lieu, à ce qu'elle soit couplée au prochain scrutin européen, les autres préférant que ce soit plus tard.

Dans la même édition du JDD, l'ancien secrétaire d'Etat socialiste Jean-Marie Le Guen rejoint pour sa part les partisans d'une dissolution de l'Assemblée nationale.

Il estime que le "grand débat" ne peut suffire à apaiser les frustrations, le mécontentement et la violence révélés par le mouvement des "Gilets jaunes", pas plus qu'un référendum ou un simple changement de Premier ministre.

"C'est pourquoi je suggère que le président de la République annonce, à l'issue du 'grand débat', des élections législatives programmées, par exemple, pour la fin de l'année 2019", ajoute Jean-Marie Le Guen.

L'ancien secrétaire d'Etat de François Hollande propose d'instaurer alors un mode de scrutin proportionnel, seul à même, selon lui, de permettre "une expression démocratique suffisamment diversifiée et représentative".

"Il sera temps alors, au-delà de l'expression de chacun, de bâtir les coalitions dont notre pays a besoin", conclut-il. (Emmanuel Jarry)