* La classe moyenne s'est réduite, sauf en France et en Irlande

* Baisse des revenus et hausse des dépenses, surtout de logement

* Un niveau de vie à "promouvoir et protéger", selon l'OCDE

PARIS, 10 avril (Reuters) - La classe moyenne a rétréci dans la plupart des pays développés au cours des trente dernières années, prise en étau entre des revenus au point mort et une progression de ses dépenses de logement, d'éducation et de santé, constate l'OCDE dans un rapport publié mercredi.

Forte de ce constat, l'Organisation de coopération et de développement économiques appelle les pouvoirs publics à agir afin de préserver cette catégorie de la population "cruciale pour une économie prospère et une société cohésive".

Le poids de la classe moyenne - qui regroupe selon l'OCDE les ménages dont les revenus sont compris entre 75% et 200% du revenu national médian - s'est réduit pour passer de 64% au milieu des années 1980 à 61% en 2016.

Si cette catégorie reste majoritaire dans la population des 36 pays membres de l'organisation basée à Paris, elle s'est réduite à chaque génération car les jeunes ont de plus en plus de mal à y accéder.

Alors que près de 70% des baby-boomers (nés entre 1943 et 1964) faisaient partie de la classe moyenne lorsqu'ils avaient une vingtaine d'année, ce n'est le cas que pour 60% des millennials (nés entre 1983 et 2002).

Dans ce rapport, intitulé "Sous pression: la classe moyenne en perte de vitesse", l'OCDE attribue ce déclin à une évolution divergente des revenus des ménages de la classe moyenne, qui ont à peine augmenté durant la période, et du coût de leur mode de vie, qui a progressé bien plus rapidement.

"SOUS PRESSION"

Au cours des trois dernières décennies, les revenus intermédiaires ont connu une progression inférieure d'un tiers à celle du revenu moyen des 10% les plus aisés.

Parallèlement, le coût des principaux postes de dépenses des ménages de la classe moyenne a augmenté bien plus rapidement que l'inflation, en particulier les prix du logement, qui ont progressé trois fois vite que le revenu médian des ménages au cours des vingt dernières années.

Sans compter que ces évolutions sont survenues sur fond d'insécurité croissante sur le marché du travail, désormais accentuée par le développement de l'automatisation, qui menace un emploi sur six pour les classes moyennes.

Dans ce contexte, plus de 20% des ménages à revenus intermédiaires dépensent plus qu'ils ne gagnent, ce qui les expose davantage au surendettement que les ménages les plus modestes.

"Aujourd'hui la classe moyenne ressemble de plus en plus à un bateau qui naviguerait en eaux troubles", estime le secrétaire général de l'OCDE, Angel Gurria, cité dans un communiqué.

"Les pouvoirs publics doivent entendre les préoccupations des citoyens, mais aussi protéger et promouvoir le niveau de vie de la classe moyenne", souligne-t-il.

TAXER PLUS LE CAPITAL, LA PROPRIÉTÉ ET LES SUCCESSIONS

Pour soutenir la classe moyenne, l'OCDE plaide pour un plan d'action global, passant par exemple par des investissements dans l'éducation et la formation, ou encore le développement de conventions collectives pour les travailleurs indépendants.

L'organisation appelle aussi à transférer la charge fiscale du revenu du travail vers le revenu du capital, de la propriété et des successions, tout en rendant l'impôt sur le revenu plus progressif et plus équitable.

Si la France, à l'inverse de la tendance générale comme l'Irlande, a connu une expansion notable de sa classe moyenne entre 1985 et 2016, elle n'a pas été épargnée par les tensions croissantes pour cette catégorie de population.

Au total, 68% des Français appartiennent à la classe moyenne (contre 61% dans l'OCDE) et dans cette catégorie, plus de la moitié des ménages déclarent avoir des difficultés à joindre les deux bouts.

Le mouvement des "Gilets jaunes" a vu le jour mi-novembre autour de thématiques liées au pouvoir d'achat.

Le président de la République, Emmanuel Macron, doit présenter dans les prochains jours les pistes de réformes retenues à l'issue du "grand débat" conçu par l'exécutif pour tenter de mettre un terme à cette crise.

Le rapport de l'OCDE:

https://bit.ly/2U6sYOF (Myriam Rivet, avec Leigh Thomas, édité par Simon Carraud)