par William Schomberg et Robin Pomeroy

"On a été si proches d'un accord", a regretté la représentante américaine au Commerce Susan Schwab devant les journalistes au siège de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) à Genève.

La France s'est défendue d'être sortie de son rôle de présidente de l'Union européenne en s'opposant au projet d'accord.

Paris avait reçu le soutien de huit autres pays de l'UE - soit un tiers environ des Etats membres - à Genève, où le commissaire européen chargé du Commerce, Peter Mandelson, négociait au nom des Vingt-Sept depuis neuf jours.

"Nous nous attachons à présider de façon impartiale et rigoureuse, mais sur une affaire aussi grave il n'est pas pensable que la France ne donne pas son avis", a déclaré à Reuters Michel Barnier en réponse aux critiques sur les dernières interventions françaises dans les négociations.

La représentante américaine Susan Schwab a insisté sur le fait que les Etats-Unis "restaient attachés" à faire aboutir le cycle dit de Doha, lancé il y a sept ans dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001, pour relancer le commerce international pour un nouvel abaissement des droits de douane.

"Les Etats-Unis restent engagés par le cycle de Doha. Ce n'est pas le moment de parler de l'échec du cycle", a déclaré Susan Schwab, qui a semblé affligée.

"Les engagements des Etats-Unis restent sur la table et attendent des réponses", a-t-elle ajouté.

Alors qu'un échec semblait prévisible, le ministre néo-zélandais du Commerce Phil Goff a laissé la porte ouverte à une poursuite des discussions de Doha.

"J'espère (...) que ce à quoi nous sommes parvenus cette semaine pourra servir de fondation à l'avenir", a-t-il dit.

LES USA CONTRE LA CHINE ET L'INDE

Les négociations de Doha sont allées de crise en crise et les experts estiment qu'il faudra désormais certainement plusieurs années pour qu'un accord commercial mondial soit conclu, en raison notamment de l'élection présidentielle de novembre aux Etats-Unis.

Washington s'est opposé à trois grands pays émergents, l'Inde, la Chine et l'Indonésie, qui voulaient, dans le cadre d'un "mécanisme spécial de sauvegarde", des mesures pour protéger leurs agriculteurs en cas de brusque arrivée massive sur leurs marchés de produits agricoles importés à bas prix, par exemple du riz.

"En voulant trop protéger leurs propres intérêts, les Etats-Unis demandent un prix aussi élevé que le ciel", a déclaré le ministre chinois du Commerce Chen Deming, cité par l'agence de presse Chine nouvelle.

Cette mesure a opposé également les pays importateurs à certains pays en développement exportateurs de produits agricoles comme le Costa Rica, le Paraguay ou l'Uruguay.

Auparavant, Peter Mandelson avait demandé aux parties de rechercher un compromis.

"Si les gens ne veulent pas de cet accord, aucun autre accord ne viendra sur la table, et on pourra considérer, en cas d'échec, qu'ils auront perdu", avait déclaré le commissaire européen au Commerce.

Les huit pays européens alliés à la France ont réclamé la prise en compte des préoccupations des pays européens dans les discussions. Ainsi mardi, le ministre italien de l'Agriculture Luca Zaia avait prévenu que Rome ne signerait pas l'accord sur le cycle de Doha si les demandes européennes concernant les appellations d'origine contrôlées (AOC) ne figuraient pas dans le texte final.

Le ministre français de l'Agriculture, Michel Barnier, avait souhaité auparavant un accord "équilibré et réciproque". "Nous en sommes loin", a-t-il ajouté.

Version française Benoît Van Overstraeten, Nicolas Delame et Danielle Rouquié