"Qu’est que pour vous aujourd’hui une gestion prudente ?
Une gestion prudente signifie une gestion où il y a un maximum de chance de gagner de l’argent et donc un minimum de chance d’en perdre dans un horizon de temps donné.
Cette gestion doit être suffisamment dynamique pour s’adapter à l’environnement dans la mesure où ce qui est risqué aujourd’hui ne l’est pas forcément demain.

Si l’on considérait un portefeuille équilibré, quel serait à ce stade votre allocation d’actifs ?

A fortiori, tout dépend du risque que l’on est prêt à prendre.
Si l’on prend en compte un modèle standard, je mettrais 35-36% d’actions. J’utiliserais le MSCI World. Je ne jouerais pas forcément les Etats-Unis contre l’Europe mais je serais sur-pondéré sur l’Europe et sous-pondéré sur le Japon.
Dans une optique de diversification du portefeuille, parce que nous ne savons pas forcément ce qu’il sera de l’évolution des marchés, je mettrais 40% d’obligations souveraines. J’opterais pour de l’obligation allemande, américaine, et anglaise. Dans le cas où je me tromperais sur la partie actions, cette partie obligations jouera son rôle de flight to quality. Je serais principalement exposé sur la partie longue (7-10 ans) pour dégager des poches de risque ailleurs.
Le reste serait composé de matières premières pour intensifier la décorrélation.

Quelles matières premières en particulier ?
Les métaux industriels sont étroitement liés à la croissance économique, donc étroitement liés à l’évolution des actions. Il ne fait pas sens d’être positionné sur les deux classes d’actifs concomitamment.
Les matières premières agricoles réagissent avec beaucoup de saisonnalité. Tant que nous sommes en mesure de trouver de nouvelles terres pour nourrir la planète, il y a peu d’intérêt à aller sur ce segment. Sur le plan historique, investir sur ce segment n’a pas permis de rapporter beaucoup d’argent. Je serais donc méfiant.
Pour ce qui est des métaux précieux, j’insisterais sur l’or et le platine pour des effets de richesse, des effets de rareté, et des motifs industriels. J’utiliserais des ETF, des fonds spécialisés, des futurs, des options
J’investirais également dans l’énergie par le biais de stratégie d’arbitrage : sur la courbe de livraison, les zones de production.

Je n’aurais plus d’obligations d’entreprises.

Selon vous, s’agissant des obligations d’entreprises, tout le monde vient après la bataille…
Les spreads se sont fortement resserrés. A présent, il y a un plus fort risque que les spreads remontent plutôt qu’ils ne baissent.

En cela certains fonds d’obligations pourraient s’avérer dangereux ?
Particulièrement les fonds qui ont une gestion statique. Dans le contexte actuel, rester assis sur ses positions obligataires et penser que cela durera éternellement me parait très audacieux.
La fluctuation des taux fait partie de la vie des marchés financiers.

En 1999, les actions ont fortement monté. Comme rien ne se perd, rien ne se crée mais tout se transforme, pour investir dans les actions il a fallu puiser dans le gisement des obligations. On a donc eu une perte en capital dans de nombreux fonds spécialisés dans les obligations qui se présentaient comme prudents.

C’est la raison pour laquelle vous préférez le risque actions ?
Effectivement. Dans le contexte actuel, être acheteur de call est préférable à être vendeur de put.

Pensez-vous que l’on a assisté à un changement de paradigme des marchés actions ? Beaucoup mettent en avant l’évolution de la notion d’actifs sans risque avec les obligations souveraines de certains Etats de la zone euro? D’autres, encore, soulignent la faiblesse de la volatilité ou encore la faiblesse des volumes ?
Si l’on avait un changement de paradigme cela signifierait qu’une grande partie de la théorie financière jusqu’ici développée est fausse. Il n’y aurait plus aucune rationalité. On serait face à un casino totalement imprévisible. Il faudrait tout retirer de la bourse, tout fermer et ne pas revenir. Fort heureusement, ce n’est pas le cas.
L’environnement des marchés est changeant. En revanche, les concepts de base demeurent.

Les obligations souveraines n’ont jamais été un actif sans risque. La Russie a fait défaut en 1997 alors que le pays était noté triple A.

Nous avons déjà connu des périodes comme celle que l’on connait actuellement avec de faibles volumes et une faible volatilité.
Le fait qu’il y ait une faible volatilité à un endroit ne signifie pas qu’il y ait une faible volatilité ailleurs.
Pour ce qui est des volumes, la faiblesse constatée est relative. Tout dépend du point de comparaison. Il y a faible volume par rapport à…
Qui plus est, l’importance des volumes n’est pas un indicateur fiable. Il ne donne pas d’information sur le potentiel de rebond d’un marché.

Quid de la faiblesse des opérations capitalistiques ?
Certains marchés peuvent se retrouver dans une situation de frilosité notamment lorsque le secteur financier ne peut pas suivre. Le secteur financier est relativement malade en Europe bien qu’il relève la tête depuis le début de l’année.
Cela étant, nous avons vu de nombreuses opérations sur des banques de moyenne taille aux Etats-Unis. Cette tendance augure d’une multiplication des opérations de la part d’autres entreprises d’autres secteurs.

Qu’est ce qui pourrait constituer un moteur pour la poursuite du rebond des marchés actions ?

Nous sommes en Europe sur une sous-évaluation notoire du marché actions. Le price to book sur le Cac 40 est à 1.20. Les marchés américains sont plutôt à leur juste équilibre.
En situation d’arbitrage il est plus opportun de s’orienter vers les marchés actions européens que vers les marchés actions américains. Acheter l’Europe vendre les Etats-Unis semble être une bonne stratégie.
L’emballement aura lieu lorsque l’on sera totalement rassuré sur l’état des banques.

De quelle ampleur pourrait être ce rebond ?
En considérant les ratios financiers, j’aboutis à un cours théorique autour de 4200 points d’ici 6 à 12 mois sur l'indice Cac40. Mais cela ne sera qu’un rattrapage: pour rappel en mai 2011, nous étions à 4100 points. Parallèlement le S&P est à ses plus hauts historiques tandis que le pic du Cac est à 7000 points.

L’investissement en bourse devra se faire sur le long terme...
C’est un principe sans cesse répété qui est toujours vrai. En investissant sur le Dow jones en 1966, il faut attendre 1981-1982 pour gagner de l’argent.

Selon vous le marché attend trop des banques centrales et des hommes politiques...
Les banques centrales sont là pour accompagner. Elles donnent un cadre dans lequel les acteurs vont être rassurés ou pas.
Tout le bénéfice du gouverneur de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, est par ses discours et par ses actions, d’avoir rassuré. Ce dernier a affirmé à plusieurs reprises qu’il ferait tout ce qu’il est possible dans le cadre de son mandat et il a agi en conséquence.
Toutefois, M Draghi ne peut pas faire de miracle.
Les hommes politiques sont, quant à eux, là pour amplifier ou pas les effets du cycle économique grâce à différentes réformes notamment fiscales. Ils ne sont pas en mesure de piloter ce cycle.
Vous attendez-vous à d’autres soubresauts dans la zone euro ?
Il y en a toujours eu et il y en aura encore. Les problèmes sont en train de progressivement gagner les pays du nord.

Vous anticipez une restructuration de la dette de l’Italie et de l’Espagne ?
Implicitement ce sera le cas. En attendant, on utilise le facteur temps pour faire baisser la pression. Cette restructuration est déjà intégrée dans le prix des obligations italiennes et espagnoles.
Le taux implicite sur la dette italienne coûtait 3% de PIB ce printemps, en Juin, après les déclarations de Mario Draghi, ce coût a baissé à 1,5%. Aujourd’hui cela leur coûte 0,5% de PIB. Le temps à joué.
Il faut mettre en œuvre les réformes nécessaires pour à présent influer sur les économies et non plus sur la dette.

Quel est votre avis sur la Grèce ?

La Grèce fait beaucoup mieux qu’on ne le pense. Son problème concerne la collecte de l’impôt, notamment la TVA.

Quel regard portez-vous sur ce qui se passe aux Etats-Unis ?

Il faut attendre les élections présidentielles pour avoir une meilleure idée de l’évolution de la question du « fiscal cliff» ou de la falaise budgétaire.
Il y a dans le pays une création de richesse. Les entreprises se portent bien, l’immobilier remonte, le chômage reflue, le S&P est à ses plus hauts historiques. Le secteur financier américain n’est pas encore totalement réformé mais il présente une bien meilleure santé que son homologue européen.
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