Paris (awp/afp) - La Bourse de Paris a lâché 1,35% lundi et les taux d'intérêt français se sont tendus au lendemain de la dissolution surprise de l'Assemblée nationale, après la victoire de l'extrême droite aux élections européennes.

L'indice vedette CAC 40 a chuté de 107,82 points à 7.893,98 points, au plus bas depuis le 21 février. Vendredi, l'indice avait terminé en repli de 0,48% après la publication de chiffres plus solides que prévu pour l'emploi américain, qui ont éloigné la perspective d'une baisse des taux de la Réserve fédérale (Fed) américaine.

"Le CAC 40 a sous-performé par rapport aux autres indices européens", commente Raphaël Thuin, directeur des stratégies de marchés de capitaux chez Tikehau Capital, lesté par l'incertitude politique qui règne dans l'Hexagone.

"Plus que les élections européennes dans leur ensemble, qui n'ont pas généré beaucoup de surprise, avec la dissolution de l'Assemblée nationale en France beaucoup de scénarios sont possibles et il est difficile d'avoir une lecture claire de la situation", poursuit-il.

Les sujets "budgétaires" et relatifs "au déficit de la France" interpellent particulièrement les investisseurs, explique le stratégiste.

Le marché s'interroge quant à "l'impact sur les taux d'intérêt à long terme, en particulier si une politique budgétaire agressive consistait à laisser couler le déficit, ce qui pourrait avoir des conséquences sur les actifs jugés risqués", comme les actions, détaille M. Thuin.

Il y a dix jours, la France avait vu sa note de crédit baissée d'un cran par l'agence de notation S&P, qui avait sanctionné l'aggravation des déficits publics du pays et ne croyait pas à la promesse d'un rétablissement des comptes d'ici la fin du mandat d'Emmanuel Macron en 2027.

Cette baisse de la note est arrivée "à un moment ou la Banque centrale européenne (BCE) cherche encore à combattre l'inflation", poussant le marché à questionner les conséquences possibles sur la trajectoire des taux directeurs de la BCE, précise M. Thuin.

Dans ce contexte, les investisseurs étrangers pourraient "adopter une attitude attentiste à l'égard de la France" et les "intentions d'investissement pourraient être reportées", souligne quant à lui Mabrouk Chetouane, responsable de la stratégie de marchés de Natixis IM.

"Plus généralement, l'attractivité de la France, qui avait gagné du terrain ces dernières années, pourrait être affectée négativement", poursuit-il.

Les taux souverains seront scrutés par les investisseurs. Vers 15H55 GMT, le taux d'intérêt pour les emprunts français à échéance dix ans montait à 3,22%, au plus haut de l'année, contre 3,10% à la clôture de vendredi.

Il creuse l'écart par rapport à l'équivalent allemand, qui évoluait à 2,67%, contre 2,62% vendredi.

Sur le marché des changes, la devise européenne se dépréciait de 0,51% face au dollar, à 1,0746 dollar pour un euro.

Craintes de "nationalisations"

Les entreprises dans les secteurs des autoroutes, de l'électricité et du gaz ont terminé dans le rouge. Les investisseurs "craignent des nationalisations, une reprise en main ou un encadrement plus strict de certaines activités", commente auprès de l'AFP Alexandre Baradez, responsable de l'analyse marchés chez IG France.

Eiffage a chuté de 5,48% à 94,14 euros et Vinci de 5,37% à 104,80 euros.

Le gestionnaire des aéroports Parisiens ADP, détenu à plus de 50% par l'Etat français, a abandonné 4,05% à 122,70 euros.

Engie a reculé de 3,20% à 14,52 euros et Veolia de 1,75% à 30,40 euros.

Les banques françaises pénalisées

Le secteur bancaire était le plus pénalisé par ce contexte d'incertitudes politiques.

Société Générale a chuté de 7,46% à 24,08 euros, effaçant presque tous ses gains depuis le 1er janvier.

Ailleurs à la cote, BNP Paribas a abandonné 4,76% à 63,21 euros et Crédit Agricole 3,59% à 14,12 euros. L'assureur Axa a cédé 2,56% à 32,33 euros.

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