La Federal Aviation Authority (FAA) a demandé à toutes les compagnies de cesser, de manière temporaire, de faire voler l'avion jusqu'à ce que leur sécurité soit démontrée. La mesure est sans précédent depuis 1979 quand la flotte de DC-10 de McDonnell Douglas avait été clouée au sol à la suite d'un accident à Chicago.

La compagnie nationale polonaise LOT Airlines a annoncé qu'elle demanderait réparation à Boeing pour l'immobilisation de ses deux Dreamliner. Le transporteur polonais doit prendre livraison de deux autres appareils d'ici la fin mars mais ne le fera que si les problèmes techniques ont été réglés d'ici là, a déclaré son numéro deux, Tomasz Balcerzak, devant la presse.

Boeing a vendu environ 850 Dreamliner, dont 50 ont été livrés à ce jour. Près de la moitié d'entre eux -24- sont basés au Japon, mais des compagnies en Inde, en Amérique du Sud, au Qatar et en Ethiopie en possèdent également, en plus de la LOT en Pologne et d'American Airlines aux Etats-Unis, cette dernière venant de confirmer une commande de 42 appareils.

La FAA a motivé sa décision par le fait qu'une défaillance d'une batterie lithium ion a été à l'origine de deux des incidents.

Selon l'autorité, ces défaillances pourraient endommager les systèmes et les structures critiques du 787, voire provoquer un incendie, si elles ne sont pas corrigées.

Le régulateur estime que les compagnies aériennes devront démontrer la fiabilité de ces batteries avant que les vols du Dreamliner ne puissent reprendre.

Boeing a réagi en affirmant être prêt à mettre à la disposition de l'administration "toutes les ressources de la compagnie" et s'est dit "déterminé à soutenir la FAA pour trouver des réponses aussi rapidement que possible".

L'avionneur américain ajoute dans un communiqué que la sécurité des passagers et membres d'équipage qui volent à bord d'un de ses appareils est sa "priorité la plus élevée".

AIRBUS SEREIN POUR L'A350

L'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) a annoncé qu'elle allait mettre en application les recommandations de la FAA et suspendre les vols de 787, ce qui concerne uniquement la LOT, seule en Europe à utiliser ce type d'appareil.

Air India a suspendu l'utilisation des six Dreamliner de sa flotte. Qatar Airlines a de même immobilisé ses cinq exemplaires et Ethiopian Airlines ses quatre Dreamliner.

Les deux principales compagnies aériennes japonaises avaient suspendu dès mercredi les vols leurs 787 après un nouvel incident, un appareil de ce type ayant dû atterrir d'urgence dans l'ouest du Japon.

Japan Airlines a annoncé jeudi l'annulation de huit vols entre Tokyo et San Diego jusqu'au 25 janvier, ainsi que le transfert de 70 autres vols sur d'autres avions.

Pour All Nippon Airlines (ANA), le maintien au sol des 787 coûtera plus de 1,1 million de dollars (825.000 euros) par jour, estiment les analystes de Mizuho Securities.

Le recours à une nouvelle technologie de batteries fait partie des innovations destinées à réduire le coût de fabrication du 787 qui, selon Boeing, consomme 20% de carburant en moins que ses concurrents utilisant une technologie plus ancienne.

Les batteries lithium ion peuvent prendre feu en cas de surcharge et une fois enflammées sont très difficiles à éteindre car elles produisent alors de l'oxygène qui entretient la combustion, a expliqué l'ingénieur en chef de Boeing pour le 787, la semaine passée.

L'avionneur américain a prévu de construire 1.100 appareils de ce type au cours de la prochaine décennie, seuil à partir duquel le programme 787 est censé être rentable.

Au stade actuel, le 787, dont le prix catalogue est de 207 millions de dollars, sort des usines de Boeing au rythme de cinq unités par mois, bien moins que les 35 appareils 737 produits chaque mois.

Avoir un avion au sol "est la pire chose qui puisse arriver à un programme aéronautique", affirme Scott Hamilton, analyste chez Leeham. "Pour peu que le problème ne se limite pas aux batteries et qu'il faille revoir les systèmes qui y conduisent, on risque un effet boule de neige".

Pour autant, dit-il, le risque de voir des compagnies annuler massivement leurs commandes est faible car "il n'y a pas d'alternative". En substance, explique cet expert, le modèle concurrent du Dreamliner, l'A350 d'Airbus, n'est pas encore en service et la liste d'attente est longue, de plusieurs années.

Airbus a annoncé jeudi une baisse de 43% de ses commandes en 2012, qui a permis à Boeing de reprendre la première place mondiale. L'avionneur européen vise toujours un premier vol de l'A350 à la mi-2013 et assure que l'architecture électrique de son futur long-courrier est différente du Dreamliner, même si l'A350 utilisera aussi des batteries lithium ion, fournies par le Français Saft Group.

Véronique Tison, Benoît Van Overstraeten et Pascal Liétout pour le service français, édité par Pierre Sérisier