Moscou (awp/afp) - L'inflation ralentit enfin en Russie, le rouble remonte, mais la banque centrale a préféré vendredi se donner du temps avant d'abaisser son taux directeur comme le souhaite le gouvernement pour ranimer une économie engluée dans la récession.

L'institution semble sceptique face au rebond récent du marché pétrolier, dont dépend fortement l'économie russe et dont la déroute en janvier l'avait poussée à menacer de durcir encore les conditions de l'emprunt.

A l'issue de sa réunion de politique monétaire, la Banque de Russie a finalement laissé inchangé son taux directeur à 11%, un niveau très difficile à supporter pour les entreprises et les ménages.

"En dépit d'une certaine stabilisation sur les marchés financiers et des matières premières et d'un ralentissement de l'inflation, les risques inflationnistes restent élevés", a-t-elle expliqué dans un communiqué.

Elle a prévenu en outre que pour atteindre ses objectifs d'inflation, elle "pourrait mener une politique monétaire modérément stricte plus longtemps qu'envisagé auparavant".

La banque centrale semble ainsi vouloir calmer les ardeurs de ceux qui pensent que les conditions sont désormais réunies pour reprendre le cycle de baisse des taux, suspendu depuis l'été en raison de la chute des cours du pétrole.

Non seulement le marché de l'or noir s'est nettement repris depuis un mois, portant le rouble vendredi à ses plus hauts niveaux de l'année, mais l'inflation décroît rapidement, revenant à un taux annuel de 7,9% actuellement contre plus de 15% pendant une grande partie de 2015.

La Banque de Russie dispose "d'une marge de manoeuvre significative pour faire un pas en direction des emprunteurs", a jugé mercredi le ministre de l'Economie Alexeï Oulioukaïev, rappelant cependant qu'il revenait à cette institution de déterminer le calendrier de ses décisions.

Une baisse des taux serait accueillie avec soulagement dans les milieux économiques, l'économie se préparant à traverser une deuxième année de récession sous l'effet de l'effondrement des prix du pétrole mais aussi des sanctions liées à la crise ukrainienne.

La Banque de Russie avait augmenté brutalement son taux directeur à 17% fin 2014 pour enrayer un violent effondrement du rouble et, malgré son abaissement progressif jusque 11%, il reste pénalisant pour le pays qui traverse sa plus longue crise depuis l'arrivée au pouvoir du président Vladimir Poutine.

"La banque centrale aurait pu abaisser son taux d'un demi-point", a soupiré le patron de la banque publique VTB Andreï Kostine, interrogé par l'agence TASS, tout en disant "comprendre les raisons" de l'institution.

- Hausse durable du pétrole ? -

La banque centrale reconnaît que la situation économique reste très difficile. Bien plus pessimiste que le gouvernement, elle prévoit une baisse du produit intérieur brut de 1,3% à 1,5% cette année, après 3,7% l'an dernier, et une évolution "autour de zéro" en 2017.

Mais sa présidente Elvira Nabioullina a expliqué devant la presse qu'elle préférait mener une "politique conservatrice" et qu'elle ne repasserait aux baisses de taux que lorsque "la tendance (de ralentissement de l'inflation) sera solide". "Nous essayons de ne pas réagir aux changements de court terme", a-t-elle insisté.

La banque centrale émet en particulier des doutes quant au rebond des cours du pétrole, qui "pourrait ne pas être durable" vu l'excès de l'offre dans le monde, le retour de l'Iran après la levée des sanctions et le ralentissement de l'économie chinoise. Elle prévoit un baril à 30 dollars en moyenne cette année, contre plus de 40 dollars vendredi sur les marchés, et un retour progressif à 40 dollars d'ici à 2018.

"Vu la rhétorique employée par la banque centrale, nous ne prévoyons pas de baisse de taux lors de la réunion du 29 avril" ni même d'ici à la fin de l'année, ont jugé les économistes de la banque russe Alfa.

Les commentaires de l'institution "sont très prudents et renforcent notre opinion qu'un assouplissement n'est probable qu'à la fin de l'année" et devrait rester "relativement modeste", ont renchéri les experts du cabinet Capital Economics.

afp/rp