* "Pas une baguette magique", dit Edouard Philippe

* Un écart salarial de 9% en faveur des hommes

* Un logiciel à déployer dès 2019 pour certaines entreprises

* Les concertations dureront six semaines (Actualisé avec Premier ministre et réactions des organisations syndicales et patronales)

PARIS, 7 mars (Reuters) - Le gouvernement a annoncé mercredi qu'il comptait imposer aux entreprises de nouvelles obligations pour résorber les écarts salariaux injustifiés entre les femmes et les hommes.

A la veille de la Journée internationale des femmes, le Premier ministre, Edouard Philippe, et la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, ont présenté aux partenaires sociaux une série de mesures, dont l'obligation pour les entreprises de plus de 50 salariés d'utiliser un logiciel mesurant un éventuel écart de rémunération injustifié. "Ce n'est pas une baguette magique ce logiciel, c'est un instrument qui permet d'objectiver un certain nombre de différences dans la rémunération entre les femmes et les hommes", a dit Edouard Philippe à l'issue de la rencontre.

Cet écart inexpliqué est en moyenne de 9% en faveur des hommes, selon le gouvernement, alors que la loi impose depuis 45 ans des rémunérations équivalentes pour un travail équivalent.

Le gouvernement souhaite que le logiciel soit déployé l'an prochain dans les entreprises de plus de 250 salariés et en 2020 dans celles qui comptent 50 à 249 salariés.

Si le logiciel constate un écart injustifié, l'entreprise devra constituer une enveloppe de rattrapage salarial dédiée aux femmes et résorber cet écart en trois ans.

Si elle ne le fait pas, l'inspection du travail pourra décider d'une pénalité pouvant atteindre 1% de la masse salariale, cumulable avec les pénalités déjà prévues sur ce sujet.

CONCERTATIONS DE SIX SEMAINES

Pour établir un éventuel écart, les paramètres du futur logiciel seront discutés pendant six semaines avec les partenaires sociaux et des experts.

Le dispositif sera ensuite intégré au projet de loi sur l'assurance chômage, la formation professionnelle et l'apprentissage qui sera présenté fin avril au conseil des ministres par la ministre du Travail, Muriel Pénicaud.

Parallèlement, le nombre de contrôles de l'inspection du travail sera multiplié par quatre, pour passer à 7.000 par an.

La mise en place de ce logiciel et l'obligation de transparence sur les résultats qu'il aura mis en lumière seront contrôlées dès l'an prochain, au même titre que l'obligation déjà existante de négocier sur les inégalités salariales.

A partir de 2022 ou 2023, le contrôle portera également sur "l'obligation de résultats", c'est-à-dire sur la résorption de l'écart constaté.

Le logiciel sera connecté au logiciel de paie de l'entreprise, afin de réduire les possibilités de tromperie. Les résultats seront mis à disposition des élus et délégués syndicaux et le résultat global devra être publié sur le site internet de l'entreprise.

LES PETITES ENTREPRISES CRITIQUES

Un logiciel comparable existe en Suisse mais il n'est pas obligatoire, a-t-on précisé de sources gouvernementales.

Le gouvernement compte par ailleurs imposer aux conseils d'administration des entreprises cotées de délibérer chaque année sur la politique d'égalité salariale.

La confédération des petites entreprises (CPME) voit d'un oeil critique ce logiciel "renifleur qui viendrait observer ce qui se passe dans les entreprises".

"Il ne faudrait pas que cet alourdissement ait des effets contre-productifs avec une espèce de démotivation entrepreunariale qui serait à la clé", a dit Jean-Michel Pottier, le vice-président de la CPME qui recommande plutôt de "prendre des mesures pour améliorer l'efficacité du dispositif actuel".

Les organisations syndicales se sont montrées ouvertes à l'idée de mettre en place un tel dispositif mais restent vigilantes.

"On a besoin de savoir comment va marcher ce logiciel", juge Pascale Coton, de la CFTC. "Quelles sont les données qui vont rentrer dedans? Comment un logiciel va détecter que c'est vraiment carrière égale ?"

Pour la CGT, il ne faudrait pas que ce dispositif se transforme "en boîte noire des inégalités salariales et en tour de passe-passe" qui oublierait les écarts explicables tels que les inégalités femmes/hommes concernant le "temps de travail", les écarts de carrière ou encore les inégalités entre métiers "de valeur égale". (Jean-Baptiste Vey et Caroline Pailliez, édité par Yves Clarisse)