par Lorraine Turner et Carmel Crimmins

Brian Honohan s'exprimait peu avant le début de pourparlers entre les autorités irlandaises et une mission conjointe de la Commission européenne, du FMI et de la Banque centrale européenne, qui vise à définir une aide dont le but serait de consolider les banques irlandaises et de stabiliser ses finances publiques.

"On espère, en tout cas aussi bien eux (le FMI et l'UE) que moi, que les négociations ou discussions porteront leurs fruits et qu'un prêt sera rendu disponible et utilisé dès que nécessaire", a-t-il dit sur la radio publique irlandaise RTE.

"Il s'agira sans nulle doute d'un prêt très important, sûrement des dizaines de milliards", a-t-il ajouté, reconnaissant en outre d'importantes sorties de capitaux hors du secteur bancaire irlandais depuis avril.

Une porte-parole du FMI a annoncé jeudi qu'une délégation du Fonds serait à l'oeuvre dès vendredi à Dublin pour évaluer les besoins irlandais.

De sources au sein de l'Union européenne, on indiquait à Reuters que l'Irlande pourrait avoir besoin de 45 à 90 milliards de dollars, suivant que seules ses banques auraient besoin d'aide ou que le déficit public serait également concerné.

DÉPÔTS GARANTIS

S'exprimant devant le parlement, le ministre des Finances Brian Lenihan a expliqué que les discussions entre le gouvernement irlandais et une mission conjointe de l'UE et du FMI étaient axées sur l'éventualité de créer un fonds d'urgence pour les banques du pays.

"La question d'un apport de liquidités et du financement du système bancaire est pareillement une question primordiale de ces discussions", a-t-il dit au parlement.

Brian Lenihan a ajouté que la mission de l'Union européenne et du Fonds monétaire international ne dicterait pas à l'Irlande quels types de dépenses il lui faudrait réduire ou quelles hausses d'impôt opérer dans le cadre de son programme budgétaire quadriennal.

Cherchant à rassurer les épargnants irlandais, il a en outre expliqué que l'Etat prolongeait de six mois supplémentaires, jusqu'à fin 2011, la garantie des dépôts.

Le porte-parole d'une formation d'opposition, Michael Noonan, a de son côté déclaré au parlement avoir reçu des appels d'administrés lui demandant s'il ne fallait pas ouvrir des comptes en livres sterling et sortir leur argent.

A la fin octobre, la banque centrale irlandaise avait fourni 35 milliards d'euros aux établissement bancaires du pays dans le cadre d'un programme de soutien exceptionnel.

L'agence de notation Fitch a annoncé jeudi qu'elle réexaminerait les notes de crédit de l'Irlande à la lumière du programme d'aide qui pourrait être convenu avec l'Union européenne (UE) et le Fonds monétaire international (FMI).

L'agence, qui note l'Irlande A-plus avec une perspective négative, a indiqué que l'examen serait axé sur les répercussions que pourrait avoir un tel programme sur la capacité du pays et de ses banques à retourner se financer sur le marché à un coût abordable.

RÉACTION POSITIVE DES MARCHÉS

La possibilité de plus en plus tangible que Dublin accepte un plan de sauvetage a particulièrement aidé les marchés européens à mettre fin à dix jours de recul. Les Bourses ont clôturé en nette hausse jeudi.

Les coûts d'emprunt imposés à l'Irlande et l'écart de rendement entre ses obligations et celles de l'Allemagne, avaient atteint des sommets depuis l'apparition en octobre de doutes sérieux sur la solidité de son système bancaire.

"Le marché anticipe (un sauvetage) dans une certaine mesure, mais dès que l'annonce sera faite, je pense que les écarts de rendement vont revenir à la normale", a estimé Nick Stamenkovic, analyste technique chez RIA Capital Markets, à Edimbourg.

Les swaps de défaut de crédit (CDS) sur la dette irlandaise à cinq ans, en quelque sorte le coût d'une assurance pour se prémunir d'une situation d'insolvabilité de l'Irlande, ont diminué de 30 points de base à 495 pdb.

Ceux de la Grèce, seul pays à ce jour à avoir été renfloué par l'UE, suivaient le même mouvement, en baisse de 19 points de base à 925.

Ces chiffres signifient qu'il en coûte respectivement 495.000 et 925.000 euros pour assurer dix millions d'euros de dette irlandaise et grecque.

Laissant prévoir des négociations difficiles, la ministre française de l'Economie, Christine Lagarde, a estimé qu'une hausse de la fiscalité irlandaise sur les entreprises pourrait être nécessaire en contrepartie du plan d'aide.

L'impôt irlandais sur les sociétés, au taux très bas de 12,5%, est un sujet sensible, considéré comme sacro-saint à Dublin. Selon Christine Lagarde, si l'impôt sur le revenu en Irlande est conforme à la moyenne européenne, celui sur les entreprises est anormalement bas.

"Donc il va falloir regarder dans quelles conditions ces taux (sur les entreprises) peuvent être modifiés sans pour autant plomber l'économie irlandaise et entraîner par exemple un départ des investisseurs", a-t-elle dit jeudi matin sur France Inter.

Avec Natsuko Waki à Dublin, William James à Londres et Jean-Baptiste Vey et Matthieu Protard à Paris, Gregory Schwartz et Nicolas Delame pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat