Zurich (awp) - Après avoir lourdement chuté la veille, les prix du pétrole rebondissaient jeudi matin. Alors que le cours du baril de Brent et de WTI progressaient, les investisseurs se concentraient sur la réunion de deux jours à Versailles des dirigeants des 27 pays membres de l'UE ainsi qu'une rencontre jeudi en Turquie, la première au niveau des ministres des affaires étrangères depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février dernier.

Vers 08h50, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en mai se négociait à 115,47 dollars, soit un rebond de 3,95%. La veille au soir, il avait plongé de 13%, soit sa plus forte chute depuis avril 2020.

Quant aux 159 litres de West Texas Intermediate (WTI) américain pour livraison en avril, ils valaient 111,76 dollars, en hausse de 2,82%. Mercredi soir, ils avaient dégringolé d'environ 12% autour des 110 dollars, leur plus important repli depuis novembre 2021.

Alors qu'un mouvement de repli se profilait mercredi, les propos du président ukrainien Volodymyr Zelensky sur le site internet du quotidien allemand Bild, selon lesquels "des compromis (pouvaient) être faits" pour parvenir à une solution diplomatique au conflit qui frappe son pays, ont ampliifié la baisse. De plus, les Émirats arabes unis ont appelé l'OPEP+ à augmenter plus rapidement la production afin d'atténuer les turbulences sur les marchés de l'énergie.

Pas de pénurie

L'invasion russe et les sanctions qui s'en sont suivies ont exacerbé les problèmes de chaîne d'approvisionnement créés par la pandémie et ont fait grimper en flèche les prix des matières premières dans tous les domaines, ceux du pétrole atteingnant lundi un niveau inédit depuis 2008. Les dirigeants de l'OPEP et Chevron ont déclaré cette semaine qu'il n'y avait pas de pénurie d'or noir, tandis que l'Irak a insisté sur le fait qu'il n'était pas nécessaire d'augmenter la production plus que prévu.

La séance de mercredi a marqué la première vraie correction du marché après près de deux semaines de guerre en Ukraine, qui avaient vu le prix du Brent grimper de 32%. "Les prix étaient beaucoup trop élevés", a expliqué Robert Yawger, responsable des contrats à terme sur l'énergie chez Mizuho Securities. "Donc il n'en fallait pas beaucoup pour que certains, notamment les spéculateurs les moins solides, abandonnent le navire. Il fallait un coup de balai."

Mais il est "prématuré" d'anticiper un vrai repli prolongé, "dans la mesure où les risques de perturbations à court terme sur l'offre demeurent extrêmement élevés", a prévenu, dans une note, Edward Moya, analyste d'Oanda. "Les acheteurs pourraient revenir" si l'espoir de négociations en vue d'un cessez-le-feu s'amenuisaient, a-t-il ajouté.

Malgré la possibilité d'une augmentation de la production mondiale, la trajectoire des cours dépend toujours "de ce qui se passe avec l'Ukraine et la Russie", a abondé Robert Yawger. Et "chaque fois que les prix partent fermement dans une direction, les gens cherchent un élément déclencheur pour prendre leurs bénéfices", a ajouté Michael Lynch, président du cabinet Strategic Energy & Economic Research (SEER).

Embargo américain

"L'idée que nous pourrions avoir la paix, ou au moins un cessez-le-feu, signifierait moins de sanctions", a-t-il ajouté, alors que le conflit sur le terrain ne montre aucun signe de ralentissement. Le président amméricain Joseph Robinette Biden a annoncé mardi un embargo sur les importations américaines de pétrole russe, tandis que le Royaume-Uni s'est engagé à y parvenir d'ici la fin de l'année.

Et même si aucun des principaux clients de la Russie n'a pris de mesure similaire, le pétrole russe fait déjà l'objet d'une forme d'embargo. Acteurs privés ou publics craignent ainsi d'être rattrapés par les sanctions ou l'opprobre s'ils acceptent les exportations russes.

Plus tôt mercredi, les cours avaient connu un premier soubresaut après un commentaire de l'ambassadeur des Émirats arabes unis aux États-Unis, Youssef Al Otaïba, qui a déclaré que les Émirats étaient "favorables à une hausse de la production" de pétrole et allaient "encourager" en ce sens l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep). Selon Robert Yawger, les Émirats arabes unis pourraient pomper 800'000 barils de plus par jour. "Cela met la pression sur les Saoudiens pour faire la même chose", a-t-il réagi.

Parmi les rares membres du groupe Opep+ (Opep et ses alliés), avec les Émirats, à disposer de capacités inutilisées, l'Arabie Saoudite pourrait, elle, contribuer à hauteur de deux millions de barils supplémentaires par jour, selon l'analyste. Les membres du cartel élargi s'étaient, jusqu'ici, refusés à accélérer leur production pour soulager le marché, se tenant au relèvement graduel de 400'000 barils par jour chaque mois avec l'objectif de retrouver, fin 2022, des volumes similaires à ceux d'avant la pandémie de coronavirus.

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