Dès le début de la semaine, le marché avait suspecté une première intervention sur le yen. Mais c'est celle du 1er mai qui a semblé décisive. Elle pourrait avoir coûté entre 3 260 et 3 660 milliards de yens (entre 20,7 et 23,3 Mds$), selon les données de la BOJ. Tactiquement, c'est assez bien joué, estiment les cambistes. "Les marchés ont été pris au dépourvu parce que, de toute évidence, cela s'est produit pendant la session américaine et semblait coïncider avec la réunion et la conférence de presse du FOMC (la Fed) afin de tirer parti d'un dollar plus faible", a souligné Kyle Rodda, analyste principal des marchés financiers chez Capital.com à Melbourne. C'était une forme d'attaque "sournoise" des autorités japonaises "cherchant à punir les spéculateurs et à envoyer un avertissement sur la vente à découvert du yen".

Pourquoi le yen est-il structurellement faible ?

Les taux

Les taux d'intérêt et la dynamique sont des forces puissantes sur les marchés des changes. Ces deux facteurs jouent en défaveur du yen. La Banque du Japon a maintenu les taux d'intérêt japonais à court terme entre 0 et 0,1% en avril et n'a pas indiqué que des hausses importantes ou soutenues étaient à venir. Le yen est donc devenu la monnaie du G10 dont le taux ou le rendement est le plus faible, et les investisseurs l'empruntent à bas prix et le vendent pour acheter des monnaies à rendement plus élevé, ce qui fait baisser son prix. Ces opérations, connues sous le nom de carry trades, sont particulièrement intéressantes lorsque la volatilité générale du marché est relativement faible, comme c'est le cas actuellement, car la différence de taux fondamentale peut influencer les marchés.

La dynamique du moment (momentum)

Pourquoi le yen baisse-t-il ? Parce que les gens le vendent. Et pourquoi les gens vendent-ils ? Parce qu'il baisse. Telle peut être la boucle auto-réalisatrice de l'état d'esprit du marché. Le yen est en baisse constante depuis plus de trois ans et a perdu plus d'un tiers de sa valeur depuis le début de l'année 2021, et rares sont ceux qui sont prêts à s'y opposer. Cette tendance décourage les exportateurs de convertir les recettes étrangères en yens. Elle encourage les institutions financières japonaises à investir à l'étranger. Enfin, elle a été une aubaine pour les spéculateurs qui parient contre le yen et qui ne se sont pas fait prier. Les positions courtes des spéculateurs sur le yen ont atteint leur niveau le plus élevé depuis 2007 au cours de la semaine qui s'est achevée le 23 avril.

Les perspectives

La banque centrale du Japon a effectué un changement historique en abandonnant les taux d'intérêt négatifs en mars. Mais cette décision a été si bien annoncée qu'elle n'a pas mis sur la table de futures hausses importantes, ce qui a conforté les investisseurs dans leur volonté d'augmenter leurs positions courtes sur le yen.

Rebond !
Dessin Amandine Victor