Edwards Lifesciences opère dans quatre divisions mais la principale, le remplacement de la valve aortique par cathéter (TAVR), représente 64,6% du chiffre d’affaires. Les équipements de chirurgie cardiaque comptent pour 16,6% de l’ensemble. L’activité des technologies de transcathéter (TMTT) est la plus petite (seulement 3,3% des revenus), mais c’est celle dont la croissance est la plus forte. Enfin, l’entité des soins critiques (critical care), qui propose des systèmes avancés de surveillance hémodynamique permettant d’évaluer la fonction cardiaque et l’état des fluides des patients en milieu chirurgical et de soins intensifs (15,5% du chiffre d’affaires), sera scindée en fin d’année dans une société indépendante afin que le groupe réoriente son attention sur les autres divisions, plus rentables. 

Evolution de la structure du groupe après la scission de Critical Care (source : Forbes) 

Avec ces quatre sections, Edwards Lifesciences se concentre exclusivement sur les dispositifs pour le cœur. Il faut dire que le marché est assez immense. Aux Etats-Unis, un décès toutes les 33 secondes en moyenne survient pour des problèmes cardiovasculaires. La demande en appareils est colossale. Le taux de croissance annuel composé - CAGR - de la principale spécialité du groupe (TAVR) est estimé à 15% d’ici 2028. Il est de 30% TMTT, la plus petite division. 

En revanche, les soins critiques progressent moins vite. Le taux de croissance de moyen terme est attendu à environ 5%. C’est actuellement la branche la moins profitable de la société. La décision de s’en séparer est donc intéressante sur le papier. D’autant que dans le secteur, recourir à ce genre de stratégie de recentrage est assez courant et fonctionne en général plutôt bien. Pfizer, GSK, Becton, Dickinson et Medtronic y ont eu recours en cédant des segments à moins forte valeur ajoutée. 

Le souci est que d'autres grandes sociétés (Abbott, Boston Scientific et encore Medtronic) ont senti le filon sur les valves aortiques (TAVR). Edwards Lifesciences est toujours le leader mondial du marché, mais la concurrence se fait plus forte qu’auparavant. Par conséquent, une pression sur les marges ne serait pas à exclure lors des prochains exercices. Pour l’heure, les analystes n'anticipent qu’un très léger repli de la marge d’exploitation. L’avenir nous dira ce qu’il en est. 

Parts de marché sur la principale activité, TAVR (source : Bloomberg) 

Toutefois, cette modeste régression de la rentabilité ne doit en rien enlever à Edwards Lifesciences la qualité de ses chiffres publiés. La croissance est forte. Entre 2014 et 2023, le chiffre d’affaires est passé de 2,2 à 6 Mds$. La rentabilité, quoi qu’un peu volatile, s’est tout de même améliorée. La marge nette dépasse désormais aisément les 20% tandis qu’elle côtoyait plutôt les 18% avant la pandémie. On mettra en avant la forte génération de cash - les fameux free cash flow - et le bilan qui présente une trésorerie nette (trésorerie - dettes) supérieure au milliard de dollars. Enfin, les ratios de profitabilité sont tout à fait remarquables. Ces dernières années, le ROE s’étale dans une fourchette large entre 20% et 30%. On peut donc se réjouir que les capitaux propres soient utilisés à bon escient. 

Valorisé à peu près 32 fois ses profits pour cette année et 29 fois pour le prochain exercice, Edwards Lifesciences présente des multiples proches de sa moyenne historique. Le cours actuel est assez proche de l’objectif moyen des 32 analystes qui suivent le titre. La relative pression sur les marges à moyen terme, la croissance pour cette année légèrement inférieure à l’historique de la décennie écoulée (CAGR de 11,1% depuis 2014 contre une croissance pour cette année attendue entre 8 et 10%), la phase de normalisation des résultats après trois excellents exercices et enfin les modestes révisions à la baisse des analystes ne justifient pas à court terme d’espérer grand chose sur la valeur. En revanche, un repli pourrait être mis à profit par un investisseur de long terme.