Saverne (awp/afp) - A court de trésorerie, le célèbre fabricant alsacien de chariots de supermarché Caddie est au bord du gouffre, alors que son actuel propriétaire, le groupe Cochez, a annoncé une offre qui prévoit de garder "au minimum" 40 des 110 salariés.

"Il n'y a plus de trésorerie pour payer les salaires et l'administrateur judiciaire a demandé" mardi à la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Saverne (Bas-Rhin) de "convertir le redressement judiciaire", prononcé le 28 mai, "en liquidation" avec poursuite d'activité. Cela afin que, juridiquement, l'assurance de garantie de salaires (AGS) "puisse prendre le relais", a indiqué à l'issue de l'audience Me Pierre Dulmet à une trentaine de salariés et de syndicalistes, rassemblés devant les grilles du tribunal.

Le tribunal devait initialement faire le point le 2 juillet sur d'éventuels repreneurs de l'entreprise basée à Dettwiller (Bas-Rhin), en redressement pour la quatrième fois depuis une dizaine d'années. Mais face à l'urgence d'une trésorerie exsangue, l'administrateur judiciaire a préféré prendre les devants.

Les repreneurs intéressés ont jusqu'à mercredi 18H00 pour se faire connaître, a expliqué Me Dulmet. Une nouvelle audience devant la juridiction commerciale alsacienne doit se tenir jeudi afin de constater si des offres ont été déposées.

Si des repreneurs se manifestent, une nouvelle audience se tiendra le 16 juillet. Dans le cas contraire, l'entreprise serait liquidée dès jeudi, a-t-il ajouté.

Mais le propriétaire de Caddie, le groupe Cochez, a présenté "une lettre d'intention" et déposera "une offre avant demain soir", a indiqué de son côté aux salariés Jonathan Bertrand, le directeur opérationnel de Caddie.

Cochez, groupe basé à valenciennes (Nord) et spécialisé dans le transport et les services industriels, entend proposer un "projet industriel complètement différent" qui maintiendrait l'emploi "à hauteur de 40 salariés au minimum", a précisé M. Bertrand.

Jusqu'à 70 salariés pourraient ainsi ne pas être repris.

"On n'a pas encore d'offre écrite" et "on ne sait pas encore" si cette offre de l'actuel propriétaire est "une bonne ou une mauvaise", a commenté Me Dulmet. Elle doit en outre être validée par le parquet, a-t-il encore pointé.

Le groupe Cochez avait déjà annoncé fin mai un "nouveau projet" pour Caddie, prévenant qu'il ne reprendrait pas "une grande partie" des 110 salariés.

Une offre potentielle de Stéphane Dedieu, ancien propriétaire de Caddie et toujours actionnaire de l'entreprise, est également évoquée, mais rien de précis n'a filtré, selon Pierre Dulmet. "Caddie n'est toujours pas mort!", veut croire l'avocat.

"Suicide!"

Mais du côté des salariés, l'offre de Cochez a été accueillie avec scepticisme: "C'est pas de la casse sociale, c'est du suicide!", a lancé l'un d'eux à l'annonce du projet.

"Personne n'a confiance en lui", a lâché un autre.

Dans l'entreprise "depuis 1999", Stéphane, 43 ans, a vécu les quatre redressements. "On a été jusqu'à 1.200 salariés" et "jusqu'en 2012", année de la reprise par le groupe Altia, qui déposera le bilan deux ans plus tard, "c'était très bien", se souvient-il. "On faisait des stocks, on avait tout : un 13e mois, des primes d'assiduité..."

Mais ensuite, les redressements se sont enchaînés et "moi, je n'ai pas évolué d'un poil. La vie augmente, j'ai l'impression de régresser. On subit", confie, fataliste, le quadragénaire qui préfère ne pas donner son nom de famille.

Déjà au bord de la liquidation, Caddie avait été repris en 2022 avec l'aide de fonds publics par Cochez. En mai 2023, l'entreprise avait annoncé arrêter sa production de chariots de supermarché en plastique, arguant d'un souci environnemental.

Aujourd'hui, les pouvoirs publics sont absents, constate Pierre Herbeault, délégué Sud. Quant aux candidats aux législatives, "aucun" ne s'est pour l'instant intéressé au dossier, constate ce cariste, dans l'entreprise depuis 2015. "Ils le pourraient s'ils le voulaient. Mais je pense qu'ils ne sont pas intéressés, tout simplement..."

Nom déposé en 1959 et inspiré du golf, Caddie, dont les origines industrielles et alsaciennes remontent à 1928 avec des produits en fil de fer, a connu son heure de gloire avec l'essor de la société de consommation, indissociable du chariot métallique pour les grandes surfaces, avant de rencontrer des difficultés.

afp/al