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(Easybourse.com) Quel regard portez-vous sur la situation du pétrole ?
Nous sommes relativement prudents sur les perspectives pétrolières. Nous pensons que le pétrole ainsi que ses produits dérivés sont actuellement soutenus par des éléments macro-économiques majeurs.

Tout d'abord, une pression extrême exercée par une demande sans cesse croissante, particulièrement de la part des grands pays émergents, Chine et Inde en tête. Même si l'économie américaine est amenée à ralentir, ces pays continueront à augmenter leur consommation.
C'est ainsi que l'Agence internationale de l'énergie annonce pour l'année 2008 une hausse de la consommation de l'ordre de 2 millions de barils. Nous devrions atteindre ainsi une consommation de 87 millions de barils par jour.

Parallèlement l'offre suit difficilement. Nous avons des problèmes au niveau des capacités de raffinage. Nous observons des tensions géopolitiques relativement importantes : le risque de conflit en Iran, la situation tendue entre la Turquie et le nord de l'Irak, les conflits au Moyen Orient…

A cela il faut ajouter les affrontements armés qui existent dans plusieurs grandes zones clés. Par exemple les affrontements réguliers au Nigéria, les rebelles du delta du Niger réclamant leur part de la manne pétrolière exploitée par les sociétés occidentales. Nous avons eu récemment deux accrochages avec la société Total et un bateau de Nigéria LMJG, grande compagnie régionale.

Par suite, les mauvaises conditions climatiques ont également des incidences dans les capacités de production : une plate-forme a dû fermer en mer du Nord à la suite de grands vents qui ont endommagé les installations électriques, des raffineries ont dû fermer dans le Delaware et en Louisiane...
Ces phénomènes météo sont de plus en plus récurrents et font peser un risque sur la production à tout moment.

Pensez-vous que la demande additionnelle provenant des pays émergents compensera l'affaiblissement de la demande engendrée par le fort ralentissement de l'économie américaine ?
Il est difficile de le dire. Ce qui est certain c'est que la demande additionnelle provenant notamment de pays comme la Chine et l'Inde parviendra à limiter de manière forte l'impact d'un ralentissement économique aux États-Unis. Cela constituera donc un facteur de soutien au prix du pétrole.

Il y a également un élément politique à prendre en considération,  à savoir la position de l'OPEP. Cette organisation a clairement fait comprendre que l'impact des prix du pétrole étant aujourd'hui beaucoup moins important sur l'inflation et la croissance économique mondiale, elle fera le nécessaire pour maintenir le prix du pétrole à un niveau relativement élevé. Nous pouvons considérer que le nouveau seuil plancher se situe entre 75 et 80 $.
Ainsi, le risque de voir le cours baisser fortement est relativement limité.

Pensez-vous pour autant que le prix du baril de pétrole a vocation à augmenter ?
Si l'économie américaine venait à ne pas ralentir fortement, je pense que nous pourrions atteindre un prix du baril aux alentours de 125 $ d'ici la fin de l'année.
Récemment Hugo Chavez a menacé les Etats-Unis en raison du bras de fer judiciaire qui oppose le géant pétrolier américain Exxon Mobil et le Venezuela.
Je pense qu'il n'est pas pricé  à l'heure actuelle dans le prix du pétrole un éventuel incident avec le Venezuela. Sont pris en compte, les affrontements répétitifs au Nigéria, les éventuelles interruptions de production provenant de l'Irak.

Quel regard portez-vous sur les métaux de base ?
Le rythme de croissance de l'économie mondiale, même si les États-Unis n'entrent pas en récession, a vocation à ralentir. Ainsi, les besoins en métaux de base vont à notre sens s'affaiblir.
L'infléchissement de la demande devrait alors permettre de détendre le marché des métaux de base à travers le monde. Ceci étant, nous avons encore un équilibre précaire entre l'offre et la demande et des niveaux de stocks qui sont relativement faibles. La détente devrait donc être relativement limitée.

Qu'en est-il du marché des métaux précieux ?
Nous sommes positifs concernant ce marché. Nous anticipons la présence d'une inflation comme l'indique la banque centrale européenne. Ceci donne à l'or tout son sens en tant que réserve de valeur, puisque c'est un actif tangible et physique.

En outre, parce que la situation américaine est délicate, nous ne voyons pas comment le dollar pourrait  reprendre de manière violente. Ce dernier devrait même s'effriter davantage face à l'euro.
Ceci constitue un support supplémentaire pour l'or et les métaux précieux qui sont corrélés négativement par rapport au dollar.

De plus, au niveau mondial, les conflits ont tendance à se multiplier : Moyen-Orient, Kenya… Contre toutes ces instabilités politiques, l'or constitue un placement très recherché actuellement.

Enfin, la production en elle-même ne cesse de baisser. Les interruptions suite à des difficultés sur le réseau électrique ne cessent de se répéter en Afrique du Sud. Ce dernier qui était le premier producteur mondial a été déclassé l'année dernière par la Chine.

À côté de l'or, le platine fait également l'objet de beaucoup de tensions car les stocks sont relativement peu élevés. Mais le platine est davantage utilisé dans l'industrie. Aussi si nous avons un ralentissement économique marqué, le platine serait plus enclin à décliner.

Quelle est la situation concernant les matières premières agricoles ?
Nous sommes pour certaines denrées alimentaires sur des niveaux de stock historiques très faibles revus tous les mois à la baisse par les autorités compétentes. Le département agricole américain a sorti sa dernière mise à jour mensuelle il n'y a pas longtemps, les stocks de soja ont été revues à -10%.
Les stocks de céréales au niveau mondial sont au plus bas depuis plus de 20 ans.

Certes les nouvelles cultures qui ont été mises en place l'année dernière, devraient permettre de faire face à la demande et de reconstituer légèrement les stocks. Mais il y a un élément qui n'est pas du tout maîtrisé et qui peut faire des dégâts importants, c'est la météo. Nous avons eu une tempête de neige en Chine, d'une violence extrême pour la saison. Près de 40% de la récolte d'oléagineux de type colza a été endommagée, voire détruite. Ainsi les Chinois vont être obligés d'importer massivement des oléagineux de l'extérieur pour compenser les pertes de production. Ceci va constituer un fort soutien des prix.
De même nous pouvons mentionner la sécheresse qui a eu lieu en Australie, en Ukraine.

Parallèlement de plus en plus de pays font face à une inflation interne très forte et s'efforcent, pour défendre leurs prix domestiques, de limiter les exportations : la Russie, l'Argentine.

Comment voyez-vous évoluer la situation ?
Dans le meilleur des cas, il n'y a pas d'incident météo et la courbe devrait légèrement se détendre. Mais la tendance de fond est que la demande est bien présente et qu'elle est complètement inélastique au prix.
En effet, autant sur le pétrole ou sur les métaux, il est possible de reporter ses achats, ou de les remplacer par d'autres achats -ainsi, dans le domaine automobile, quand le pétrole augmente trop, il est possible de remplacer le plastique par la feutrine- autant il n'est pas concevable de faire de substitution en ce qui concerne les denrées alimentaires. Se nourrir est un besoin primaire.
Il y a un risque de voir corriger le prix sur certaines matières premières agricoles qui ont cru de manière excessive (+100% pour le blé en moins de 8 mois). Néanmoins le potentiel de progression demeure.

Est-ce la même stratégie d'investissement adoptée pour chacun de ces trois grands domaines ?
Nous avons sur les trois fonds la même approche : des paniers de matières premières gérés en repondérant l'ensemble des différents produits tous les jours dans le portefeuille. C'est une gestion acheteuse, de type indicielle, qui n'utilise pas d'effet de levier, qui intervient sur la première échéance (il n'y a pas de trading, c'est de l'exposition pure), et qui est couverte contre le risque de change. L'idée est d'offrir aux clients uniquement une exposition aux matières premières.

Quelle est la composition de vos fonds ?
S'agissant de notre fonds sur les matières premières énergétiques lancé en mai 2005, le panier est composé de cinq produits, le pétrole brent, le pétrole américain, le fuel domestique, l'essence, et le gazoil.
Notre fonds lié aux métaux précieux qui date de décembre 2005 est exclusivement dédié à l'or.
Enfin le fonds matières premières agricoles créé en mars 2006  réunit 7 produits : le maïs, le blé, le sucre, le soja, l'huile de soja, le colza et le canola.

Les produits composant le panier sont susceptibles d'évoluer en cas de changement des grands enjeux de moyen/long terme guidant la construction du portefeuille.

Comment expliquez-vous la multiplicité des produits dans vos fonds ?
La gestion indicielle sur les matières premières présente d'importantes différences avec la gestion indicielle telle qu'elle est traditionnellement réalisée sur les actions. Répliquer la performance d'un indice boursier n'est pas très difficile.  Il suffit de suivre un coefficient d'ajustement quotidien en fonction des émissions de titres.
Quand vous détenez une matière première physique, il y a un coût de stockage et un coût de déperdition. Ces coûts doivent se ressentir sur le contrat à terme. Ainsi la performance du marché physique n'est pas la performance qu'il est possible de capter. Il y a lieu de réduire cette différence au maximum.

Nous nous sommes efforcés d'utiliser la structure de ces marchés pour réduire les effets sur le portefeuille.
Dans notre fonds énergie, il y a cinq produits qui composent notre portefeuille. L'objectif est de combiner des périodes de tension et de détente qui n'ont pas lieu au même moment afin de lisser la structure de prix sur la performance. Ainsi à coté du pétrole, il y a dans ce fonds de l'essence et du fuel domestique. Au-delà du fait que pour des raisons structurelles, nous pensons qu'il y a autant de tension sur le marché du raffinage que sur le marché du brut, la structure du prix indique que l'essence est un produit très utilisé pendant l'été (la driving season, période des vacances aux Etats Unis), alors que le fuel domestique sert essentiellement à ce chauffer pendant l'hiver.

En combinant du fuel domestique et de l'essence sans plomb dans le portefeuille, nous avons deux produits dont la saisonnalité est différente et dont la courbe de prix va nous pénaliser ou nous avantager à des moments différents. Cela réduira l'écart entre la performance du sous- jacent et la performance du physique de la matière première et aura au final un impact positif sur la performance totale du portefeuille.

Cette multiplicité des produits ne concerne pas votre fonds lié aux métaux précieux qui inclut seulement l'or, pourquoi ?
Nous avons regardé la structure de prix et cherché à déterminer s'il était pertinent d'avoir plusieurs produits dans le portefeuille. Nous avons observé que la structure de prix était globalement la même. Les métaux précieux à l'inverse du pétrole sont des marchés de stock : une fois consommé le pétrole n'existe plus, ce qui n'est pas le cas de l'or. Si il y a une tension sur les prix, des détenteurs d'or pourront avoir un intérêt à revendre leur or pour générer un équilibre sur le marché
Parce que la structure de prix est identique, stable et constante, nous n'avions aucun intérêt à faire appel à plusieurs produits pour lisser les impacts de la structure des prix.

Vous procédez suivant un principe d'équipondération et de repondération quotidienne. Pourquoi ?
L'idée est de ne pas faire du trading : nous voulons que le client qui vient chez nous sache exactement ce qu'il achète. Sinon, cela devient trop aléatoire. En repondérant tous les jours notre portefeuille, nous assurons aux clients qu'ils achèteront une quantité connue de chacun des produits qui composent le portefeuille, et ce quel que soit leur date de souscription. Ce n'est par exemple pas le cas pour les grands indices sur matières premières.
Notre philosophie d'investissement se veut  lisible et parfaitement prévisible. C'est la meilleure des solutions à notre sens.

Quelles sont vos recommandations d'investissement ?
En ce qui concerne le pétrole, le potentiel de hausse étant pour le moment limité, nous ne sommes ni à l'achat ni à la vente. Toutefois, les prix devraient être soutenus par l'attitude de l'OPEP. Nous sommes donc à conserver.

Si l'activité économique ralentit, alors que nous avons encore une masse monétaire relativement bien développée, et qu'il est risqué pour le moment de placer l'argent sur le marché actions, que la situation de l'immobilier reste relativement délicate, les métaux précieux constituent un bon pôle d'investissement.

Propos recueillis par Imen Hazgui

- 27 Février 2008 - Copyright © 2006 www.easybourse.com

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