par Marius Zaharia

LONDRES, 28 mai (Reuters) - De plus en plus de gestionnaires de fonds s'interrogent sur la réelle protection qu'offrent les obligations souveraines allemandes contre la crise de la zone euro, redoutant un plongeon soudain de leur valeur par rapport aux plus hauts historiques qu'ils affichent ces derniers temps.

Assis sur une réputation de sécurité construite depuis des décennies, les obligations émises par la République fédérale allemande, les Bunds, sont devenus l'ultime refuge pour les investisseurs soucieux de préserver leurs portefeuilles des aléas économiques et financiers mis en lumière par la crise des dettes souveraines européennes.

Depuis le résultat des élections législatives grecques, au terme desquelles aucun gouvernement capable de s'appuyer sur une majorité n'a pu être formé, le spectre d'un éclatement de la zone euro a précipité les intervenants vers les Bunds, dont la valeur n'a depuis cessé d'augmenter tandis que, parallèlement, les rendements offerts plongeaient.

Certains opérateurs soulignent toutefois que l'Allemagne ne sortira pas indemne d'une dégradation de la crise grecque. Certains pensent que le rendement du papier à dix ans de référence pourrait même doubler par rapport à son plus bas historique de 1,35% touché la semaine dernière.

Selon Luke Hickmore, directeur d'investissement chez Scottish Widows IP, quelle que soit l'issue de la question grecque, les taux allemands remonteront tôt ou tard.

D'après lui, soit la Grèce reste dans la zone euro et l'attrait les Bunds diminuera à mesure que reviendra l'appétit pour le risque, soit Athènes sort de l'union monétaire et l'Allemagne n'échappera alors pas à un effondrement des marchés, compte tenu de l'importance de son exposition aux pays les plus fragiles de la région.

Luke Hickmore dit préférer les obligations américaines et britanniques, qui servent des taux d'intérêt historiquement bas, autour de 1,75% pour du papier à dix ans.

FARDEAU PARTAGÉ

L'une des raisons qui dictent la prudence de certains investisseurs vis-à-vis du prix élevé de la dette allemande réside dans les interrogations soulevées par la question des euro-obligations et de la capacité des autres pays européens à faire plier l'Allemagne, qui s'y oppose.

Si un tel projet voyait le jour, l'Allemagne ne serait plus en mesure d'emprunter en mettant sa seule crédibilité dans la balance. Elle devrait alors partager l'historique de sa dette avec celui de pays qui inspirent moins confiance aux investisseurs.

"En fin de compte, nous pensons qu'il y aura une sorte de fardeau européen à supporter, et l'Allemagne étant le pays le plus riche de l'Union, il devra probablement en payer le prix", estime Sandra Holdsworth, directrice d'investissement de Kames Capital.

"Alors, (les Bunds) ne seraient plus du tout une valeur refuge", poursuit-elle, ajoutant qu'elle serait à l'avenir probablement tentée de diminuer la part d'obligations allemandes dans son portefeuille plutôt que de l'augmenter.

Michael Siviter, gestionnaire de portefeuille d'Invesco, indique de son côté qu'il est en train de réduire son exposition à la dette allemande, préférant le garnir d'obligations britanniques, norvégiennes, suédoises et danoises, toute provenant de l'extérieur de la zone euro et jugées plus sûres. (Nicolas Delame pour le service français, édité par Natalie Huet)