* Le démocrate Richard Durbin veut une enquête sur ce limogeage

* L'enquête russe en arrière-plan

* Le président dément avoir réclamé à l'ex-directeur du FBI un serment de "loyauté"

par David Alexander et Susan Heavey

WASHINGTON, 13 mai (Reuters) - Quatre jours après le licenciement fracassant du patron du FBI, mardi dernier, la tempête politique n'a pas baissé d'intensité à Washington, où certains dénoncent une décision présidentielle conçue pour affaiblir l'enquête sur l'ingérence russe dans la campagne.

Le numéro deux des démocrates au Sénat, Richard Durbin a invité l'adjoint au ministre de la Justice, Rod Rosenstein, à nommer un procureur spécial indépendant chargé d'enquêter sur le limogeage de Comey, sans toutefois préciser si le président serait l'objet exprès de cette enquête.

Plus largement, les démocrates réclament une investigation indépendante sur le rôle de Moscou dans l'élection présidentielle de 2016.

Rod Rosenstein ne voit pas la nécessité d'un tel procureur pour le moment, rapporte CNN. Donald Trump a déclaré lui-même à Fox News qu'il ne pensait pas qu'une telle enquête soit opportune.

Dans un communiqué, Durbin a estimé que Trump, par ses propos, avait reconnu avoir renvoyé le renvoi du patron du FBI à cause de l'enquête russe, et a dénoncé une mesure "dangereusement proche de l'entrave à la justice".

Dans un message diffusé sur Twitter, le président a mis en garde l'ex-directeur du FBI à mots à peine couverts contre la tentation de s'exprimer dans la presse ou de faire des révélations, et laissé entendre que le Maison blanche disposait d'enregistrements des conversations entre les deux hommes.

"Il vaudrait mieux pour James Comey qu'il n'y ait pas d''enregistrements' de nos conversations avant qu'il ne les fasse fuiter dans la presse", a-t-il écrit sur le réseau social.

Ce message "pourrait être assimilé à des menaces sur un témoin de l'enquête, ce qui représente une autre violation de la loi fédérale", a estimé Durbin.

DÎNER À LA MAISON BLANCHE

Donald Trump a démenti vendredi avoir réclamé en janvier un serment de "loyauté" à James Comey, comme le rapportait le New York Times, mais n'a pas voulu commenter cet éventuel enregistrement, dans une interview à la chaîne Fox News.

CNN affirme pour sa part que l'ex-patron du FBI, au coeur de turbulences politiques depuis un an, "ne s'inquiète pas" de ces éventuels enregistrements de son dîner avec Trump, une semaine après l'investiture du président le 20 janvier.

Dans un entretien à la chaîne MSNBC, James Clapper, ancien directeur du renseignement américain (DNI), a indiqué lui que Comey lui avait fait part de sa "gêne" concernant ce dîner.

L'ancien directeur du FBI se sentait "mal à l'aise" car il redoutait que cette invitation à la Maison blanche ne donne l'impression d'une compromission de l'indépendance de l'agence qu'il dirigeait, a précisé Clapper.

L'AUDITION DE COMEY AU SÉNAT REPORTÉE

James Comey a décliné l'invitation de la commission du renseignement du Sénat pour une audition mardi, pour des raisons de calendrier, a annoncé le sénateur démocrate Mark Warner, par le biais d'un porte-parole.

Une source a précisé à Reuters que Comey avait donné son accord de principe pour une audition à huis clos à une date à déterminer.

D'autres éléments sont attendus au Sénat dans le cadre de l'enquête russe.

Une unité du département du Trésor chargée de la lutte contre le blanchiment d'argent va fournir des documents financiers dans le cadre de l'enquête du Sénat, a rapporté vendredi le Wall Street Journal, de sources proches du dossier.

La commission du renseignement du Sénat a requis les documents à la fin du mois dernier auprès du Financial Crimes Enforcement Network (Fincen), précise le journal.

Selon une source interrogée par le quotidien américain, ces dossiers pourraient permettre de déterminer si des arrangements entre des proches de Trump et la Russie ont eu lieu pendant la campagne présidentielle.

"MOI ET MA CAMPAGNE, ET LES RUSSES"

La Maison blanche avait dans un premier temps expliqué que Trump avait limogé Comey sur la recommandation de l'Attorney general, Jeff Sessions, et de son adjoint, Rod Rosenstein. Jeudi, sur NBC, Trump a déclaré qu'il aurait renvoyé Comey de toute façon.

La Maison blanche a déclaré en outre que le limogeage de Comey n'était aucunement lié à l'enquête sur la Russie. Jeudi sur NBC, Donald Trump a reconnu qu'il avait pris le risque, avec ce renvoi, de "troubler" l'opinion publique, et de "rallonger l'enquête" sur des liens présumés avec la Russie.

Il a ajouté n'avoir jamais fait pression sur Comey pour qu'il abandonne l'enquête et démenti toute "collusion entre moi et ma campagne, et les Russes".

Les agences de renseignement américaines ont conclu en janvier à l'existence d'une campagne d'ingérence russe dans la campagne présidentielle, ordonnée par Vladimir Poutine en vue de faire pencher la balance en faveur de Donald Trump. Moscou a démenti toute implication.

Les avocats de Trump, qui cherchent à éradiquer tout soupçon de relations secrètes entre le président et Moscou, ont annoncé vendredi que les déclaration d'impôts de Trump des dix dernières années ne montraient -- à quelques exceptions près -- aucun revenu issu de sources russes et que le président n'était endetté auprès d'aucun créancier russe.

(Henri-Pierre André et Julie Carriat pour le service français)