Des soutiens déséquilibrés

Le Premier ministre britannique David Cameron, pourtant à l’origine de ce référendum qui comptait parmi ses promesses de campagne, comme une monnaie d’échange à sa réélection, mène la bataille du IN (maintien du pays dans l’UE). Fort des concessions récemment accordées par Bruxelles sur le statut du Royaume-Uni dans l’Europe, il affirme que les sujets de Sa Majesté bénéficieront du meilleur des deux mondes dans le groupe des Vingt-huit.

La plupart des responsables internationaux soutiennent Cameron, pointant notamment du doigt les nombreuses conséquences négatives qu’une sortie aurait sur l’économie britannique et mondiale. Ainsi, pour ne citer qu’eux, le FMI, l’OCDE, Barack Obama, Shinzo Abe ou Angela Merkel, soucieuse d’un potentiel effet de contagion qui nuirait à la construction européenne, font bloc derrière le dirigeant anglais.

La campagne du OUT, elle, trouve ses ambassadeurs les plus influents au sein même du Parti conservateur de Cameron. Ainsi quelques-uns de ses propres ministres, mais surtout le désormais ex-maire de Londres, le très populaire Boris Johnson, appellent leurs citoyens à retrouver leur citoyenneté nationale. Mais dans le cas de Johnson, il s’agit davantage d’un calcul politique, alors qu’il vise publiquement un déménagement au 10 Downing street, l’endroit où réside le chef du gouvernement. Son principal objectif, quel que soit le résultat du vote, est donc de se présenter devant les électeurs, lors du prochain scrutin législatif de 2020, avec la casquette de principal opposant à la politique de David Cameron, tandis que l’inimitié entre les deux hommes n’est plus qu’un secret de polichinelle.

Mais d’une façon plus générale, les arguments europhobes sont avant tout relayés, outre-Manche et ailleurs, par les partis et personnalités populistes et radicaux, comme le parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (Ukip) ou le candidat républicain à l’élection présidentielle américaine Donald Trump, et séduisent essentiellement les populations les moins éduquées ou les plus favorables à un contrôle plus strict de l’immigration.
 
Le jeu en vaut-il la chandelle ?

De la théorie de l’apocalypse à celle d’un lendemain sans grand bouleversement, tout a plus ou moins été avancé au sujet des risques qu’un Brexit provoquerait. En réalité, un tel fait serait inédit et il est par conséquent difficile d’établir des conséquences précises. On peut toutefois évoquer au moins trois problématiques qui inquiètent une grande partie des citoyens britanniques :

- Le cas de l’Ecosse 
Alors que les velléités nationalistes ne cessent de progresser en Ecosse, favorable à un maintien dans l’UE, un Brexit encouragerait certainement la tenue d’un nouveau référendum sur son indépendance. Hors le nord de la Grande-Bretagne est une richesse pour le Royaume-Uni, notamment en raison du pétrole de la mer du Nord. Ainsi, si l’Ecosse se détachait de Londres pour rester dans l’Europe, c’est l’ensemble de l’économie britannique qui en subirait les conséquences.
Par effet de contagion, l’idée pourrait séduire une Irlande du Nord europhile et peu favorable au rétablissement potentiel d’une frontière sur son île, laquelle l’isolerait à nouveau de la République d’Irlande au sud, Etat indépendant, membre de l’UE et de la zone Euro. A noter que seuls les citoyens d’Irlande du Nord (nation du Royaume-Uni) sont appelés à voter dans le cadre du référendum sur le Brexit.

- La chute de la Livre
La baisse du cours de la devise britannique semble inévitable en cas de Brexit. Mécaniquement celle-ci devrait encourager l’inflation qui ne devrait pas se répercuter immédiatement sur les salaires, les entreprises manquant de visibilité. Le cocktail devrait donc, au moins dans un premier temps, peser sur le pouvoir d’achat des Britanniques.

- La position de Barack Obama
L’un des arguments favoris des défenseurs du OUT réside dans l’opportunité pour le Royaume-Uni de retrouver des liens commerciaux privilégiés avec les Etats-Unis, la première puissance mondiale. Seulement le raisonnement a pris du plomb dans l’aile alors que Barack Obama, opposé au Brexit, a lui-même contesté le bienfondé d’une telle logique, renforçant le risque d’un isolement du Royaume-Uni.

A l’opposé, en restant dans l’UE, le Royaume-Uni continuera de bénéficier d’un statut particulier auprès de Bruxelles, lui garantissant tous les avantages de la communauté tout en l’affranchissant de plusieurs obligations, comme celles d’intégrer à terme la zone Euro ou l’espace Schengen.
 
Les sondages et les bookmakers

Plusieurs sondages ont récemment donné le Brexit en tête mais la plupart d’entre eux ont été réalisés sur des échantillons non représentatifs de l’électorat, sans prendre en compte les indécis, et ont souvent été publiés par des tabloïds ayant pris position pour le Brexit, notamment The Sun, quotidien le plus vendu outre-Manche.

Pourtant les bookmakers anglais, connus pour leurs compétences prédictives, s’accordent par ailleurs pour dire que le Royaume-Uni restera bel et bien dans l’UE. A quelques heures du scrutin, ils évaluent cette probabilité à 75% tandis que le scénario du Brexit n’a jamais été favori, même lorsque les sondages contradictoires se multipliaient dans les journaux racoleurs.

On sait par ailleurs qu’il est plus facile d’exprimer son mécontentement à travers une enquête d’opinion sur internet, laquelle ne prête pas à conséquence, qu’en prenant la responsabilité de glisser un bulletin qui compte dans une urne officielle.

L’assassinat de la député travailliste Joe Cox, lié à ses positions en faveur d’un Bremain, a par ailleurs eu un impact immédiat sur l’opinion et l’écart en faveur du statu quo s’est à nouveau creusé dans les sondages fiables les plus récents.
 
A quoi s’attendre sur le marché des changes ?

A ce stade, l’annonce d’un Brexit représenterait donc à la fois une surprise et une onde de choc pour les marchés. La Livre Sterling serait immédiatement et sévèrement sanctionnée, ce qui devrait probablement contraindre une action concertée de plusieurs grandes banques centrales pour enrayer sa chute. Difficile dans un tel contexte, d’envisager de prendre position dans un sens ou dans l’autre.

Le scénario du statu quo, bien que le plus probable, exacerberait néanmoins la volatilité des cours en réaction à l’expression des soulagements et au retour d’un appétit pour le risque. Si la Livre devrait rebondir, la liquidité pourrait drastiquement manquer, les spreads sensiblement s’écarter et les chasses aux stops largement prospérer. Nous vous conseillons par conséquent de vous écarter de ce support, tandis que d’autres devises devraient profiter, ou au contraire être pénalisées, par un tel épilogue. Evidemment l’Euro ou encore les monnaies corrélées au risque (AUD, NZD, CAD) devraient en effet avoir le vent dans le dos, tandis que les valeurs refuge (JPY, CHF) pourraient à l’inverse ne plus s’octroyer les faveurs des cambistes. Ainsi, des positions acheteuses AUD/JPY ou encore EUR/CHF par exemple, pourraient s’avérer être des paris particulièrement judicieux cette semaine.