* Le spread France-Allemagne s'était écarté avant la perte du AAA

* L'opération à 3 ans de la BCE a largement contribué à la détente sur les souverains

par Raoul Sachs

PARIS, 17 janvier (Reuters) - La France devrait adjuger jeudi des titres de dette de maturités moyennes et longues dans de bonnes conditions, l'opération de refinancement à trois ans (LTRO) de la Banque centrale européenne ayant détendu l'atmosphère sur le marché des emprunts d'Etat de la zone euro, notamment ceux de l'Italie et de l'Espagne, estiment des spécialistes de ce marché.

Cette adjudication aura valeur de test puisqu'il s'agit de la première sur la dette long terme de la France depuis l'abaissement de sa note souveraine par l'agence de notation Standard & Poor's vendredi dernier. (voir )

"Le LTRO a considérablement fait baisser le stress sur le marché. Ça aide indirectement les titres des souverains", a déclaré Patrick Jacq, stratégiste taux chez BNP Paribas, lors d'un point de presse.

"Le LTRO à trois ans a détendu la pression sur l'Italie et l'Espagne et tout le monde suit", a dit à Reuters Raoul Salomon, managing director chez Barclays Capital à Paris.

"On a changé de 'mood'. Les adjudications italiennes et espagnoles se sont bien passées, les spreads se resserrent", a-t-il ajouté.

Pour un spécialiste en valeur du Trésor (SVT) d'une banque de la zone euro, qui a requis l'anonymat, "l'adjudication française se présente de la meilleure manière qui soit. Les spreads avec le Bund se resserrent."

L'Agence France Trésor, qui gère la dette et la trésorerie de l'Etat français, doit adjuger jeudi matin entre 6,5 et 8,0 milliards d'euros de bons du Trésor à intérêts annuels (BTAN) d'échéance 2014, 2015 et 2016 ainsi qu'un montant compris entre 1,0 et 1,5 milliards de BTAN indexés sur l'inflation française (BTANi) 2016 et d'obligations assimilables du Trésor indexées sur l'inflation de la zone euro (OATei) 2022 et 2040. (voir et )

"Ça se présente bien, les spreads se resserrent depuis la fin 2011", a observé également Raoul Salomon qui rappelle que la première adjudication d'OAT françaises le 5 janvier dernier s'était bien passée (voir )

"PARAPLÉGIQUE"

"Les gens commencent à réaliser que la BCE fait du quantitative easing (assouplissement quantitatif) à sa manière et que ça a redonné de l'appétit pour la dette périphérique", explique-t-il.

"Il n'y aura pas de problème pour l'adjudication de BTAN", a également estimé Patrick Jacq.

"Actuellement, les maturités allant de deux à cinq ans sont les plus demandées. On l'a vu avec le succès des émissions italiennes et espagnoles sur cette partie de la courbe des taux", a-t-il souligné.

"Il n'y aura pas de problème non plus pour les titres indexés sur l'inflation", a-t-il ajouté.

La demande pour les papiers inflation est soutenue non pas en raison d'anticipation de montée de l'inflation mais en raison de l'absence d'anticipations de déflation liée aux politiques des banques centrales, a-t-il expliqué.

Les professionnels interrogés soulignent que la décision de S&P de dégrader la note de la dette long terme de la France de AAA à AA+ était largement attendue et que le marché a peu réagi. L'écart de rendement (spread) entre l'emprunt d'Etat à 10 ans français et celui de l'Allemagne - qui, elle, conserve son triple A - s'est écarté en fin d'année et se maintient actuellement autour de 120-130 points de base contre un plus bas de 29 pdb en avril 2011 et un plus haut (205 pdb) touché en octobre dernier au plus fort de la crise de la dette souveraine en zone euro, quand la contagion a commencé à menacer l'Italie.

"Dire que le marché n'a pas bougé après la décision de S&P, c'est oublier de constater que le spread OAT/Bund se ballade maintenant autour de 130 points de base depuis que l'agence a mis la France sous surveillance négative", souligne un analyste qui rappelle que la dette publique de la France avoisine les 1.700 milliards d'euros.

"Quand on coupe le pied à un paraplégique, ça ne fait pas mal", observe-t-il. (Raoul Sachs, édité par Jean-Michel Bélot)