* Premier discours de Hollande au Parlement de Strasbourg

* Deux semaines après le pavé dans la mare de Cameron

* Un prélude au bras de fer du Conseil européen de jeudi ?

par Emmanuel Jarry

PARIS, 4 février (Reuters) - François Hollande présentera mardi à Strasbourg sa vision de l'Europe dans un contexte contraint par la proximité des élections législatives en Allemagne et les délicates négociations sur le budget européen de 2014 à 2020.

Pour sa première intervention au Parlement européen, le chef d'Etat français aura un traitement spécial : il se livrera après son discours aux questions des chefs de file des eurodéputés.

Son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, avait également eu cet honneur mais en tant que président de l'Union européenne.

L'entourage de François Hollande ne laisse cependant guère attendre de grandes nouveautés d'un discours dont il a déjà rodé les principaux thèmes depuis son élection, en mai 2012.

"Il y aura une continuité dans l'expression de ses ambitions européennes", dit-on de source diplomatique à l'Elysée.

Il devrait ainsi réaffirmer quelques priorités : croissance, emploi, solidarité et approfondissement de l'union économique et monétaire. "Il donnera des indications sur la manière dont il propose que l'Europe agisse", ajoute-t-on de même source.

Le président français a reçu lundi l'appui du vice-président américain Joe Biden, qui a émis l'espoir que l'Union européenne se rallierait aux revendications françaises.

"Le président Obama pense qu'il n'y a pas d'incohérence avec la gestion de dettes importantes, de les ramener sous contrôle, et de générer de la croissance économique", a-t-il dit après un déjeuner avec François Hollande. "Nous avons bon espoir que l'Europe sera plus encline à suivre votre point de vue."

MOMENT "PAS TRÈS OPPORTUN"

Selon un familier de l'exécutif français, la préparation du discours a suscité des débats entre les services de la présidence et ceux du Premier ministre, ces derniers plaidant pour une intervention plus visionnaire et ambitieuse.

"J'ai compris que c'était assez court. Je ne pense pas que le président puisse aller très loin", a pour sa part dit à Reuters le député socialiste Christophe Caresche, membre de la commission des affaires européennes à l'Assemblée nationale.

"Il y a les élections allemandes (en septembre) et énormément de dossiers à boucler. Je ne sais pas si le moment est très opportun" (pour un grand discours), a-t-il ajouté.

La tentation sera en tout cas grande d'y voir une réponse au Premier ministre britannique, deux jours avant un sommet crucial à Bruxelles sur le budget de l'UE, objet de surenchères à la baisse de la part du Royaume-Uni.

Le 23 janvier, David Cameron a jeté un pavé dans la mare en promettant un référendum sur le maintien de son pays dans l'UE s'il gagne des élections prévues au plus tard en 2015.

Tout en se prononçant pour le maintien, il a défendu la vision d'une UE plus libérale reposant sur plus de compétitivité et de flexibilité et plus de pouvoirs pour les Etats.

Il a enfoncé le clou le lendemain, au Forum économique de Davos, en mettant en garde ses pairs européens contre toute tentative de créer une union politique "aux forceps".

Angela Merkel s'est déclarée prête à "discuter des souhaits" britanniques mais a rappelé que d'autres pays avaient les leurs et qu'il faudrait trouver un "compromis équilibré".

MERKEL PRÊTE À NÉGOCIER AVEC CAMERON

La chancelière allemande n'en a pas moins rejoint David Cameron le 24 janvier sur la nécessité de rendre les économies européennes plus compétitives, à Davos, où elle a plaidé pour un "pacte de compétitivité" s'imposant aux pays de l'UE.

François Hollande, lui, n'était pas à ce Forum économique. Mais son discours de mardi n'en a pas pour autant "vocation" à répondre à David Cameron ou Angela Merkel, assure l'Elysée.

"Le président a ses propres propositions", souligne un de ses conseillers, pour qui David Cameron a néanmoins ouvert un débat sur la question de "ce qui est utile" aux Européens.

François Hollande a déjà opposé une fin de non recevoir aux revendications du Premier ministre britannique.

"L'Europe doit se prendre telle qu'elle est, on peut la faire évoluer demain, mais on ne peut pas proposer de l'abaisser ou de la diminuer au prétexte d'y rester", avait-il déclaré le 23 janvier dernier.

Par ailleurs, François Hollande ne manquera pas à Strasbourg de revenir sur la situation au Mali, où la France a redoré son statut de puissance diplomatique et militaire européenne grâce à l'opération Serval, alors que l'Allemagne fait plus que jamais figure de principale puissance économique de l'UE.

Enfin, selon l'Elysée, il profitera dans l'après-midi d'un discours devant des élus strasbourgeois, à l'hôtel de ville, pour réaffirmer la "vocation européenne de Strasbourg" contestée par nombre de députés européens qui veulent siéger à Bruxelles. (Avec Julien Ponthus et Paul Taylor, édité par Yves Clarisse)