par Dominic Lau

De nombreux secteurs, tels la construction et l'automobile, ont déjà intégré cette éventualité dans leurs cours de Bourse mais c'est l'ensemble du marché qui pourrait pâtir de la concrétisation éventuelle dans ces nouvelles prévisions des peurs d'une rechute dans la récession, estiment les analystes.

On s'attend à ce que les sociétés de l'indice MSCI Europe enregistrent en moyenne une hausse de leur bénéfice de 18,4% en 2011, selon les données de Thomson Reuters I/B/E/S, après une croissance attendue de 33% cette année.

Etant donnés la faible consommation des ménages américains, le ralentissement encadré du marché de l'immobilier chinois et la cure d'austérité européenne, même cette prévision pourrait paraître optimiste, impliquant ainsi tacitement la possibilité de nouvelles révisions à la baisse.

"Le cycle des bénéfices commence maintenant à se retourner. Si on compare le nombre de révisions à la hausse et celui des révisions à la baisse, le ratio commence à s'inverser", déclare Gareth Evans, stratège marchés à la Deutsche Bank.

"On se demande avec anxiété si les résultats que l'on a observés au premier trimestre et ceux que l'on voit maintenant au deuxième trimestre pourront se maintenir sur le reste de l'année."

La tendance à la révision à la baisse des estimations de résultats pour 2011 s'explique par un tassement de l'activité économique et par un effet de base défavorable, les consensus pour 2010 n'ayant cessé d'être revus à la hausse ces derniers mois.

Les analystes du Crédit Suisse estiment que les secteurs du luxe, de la distribution, de l'aéronautique et de la défense seraient les plus exposés si les prévisions de croissance du chiffre d'affaires d'ici à 2012 venaient à être réduites de moitié.

Les signes de ralentissement se multiplient: en rythme annualisé, l'économie américaine n'a cru que de 2,4% au deuxième semestre après un chiffre révisé à 3,7% au trimestre précédent, tandis que le rythme de croissance annuel de la Chine, bien que surpassant celui des pays développés, a également ralenti, de 11,9% au premier trimestre à 10,3% au deuxième.

LA PROTECTION D'UNE FAIBLE VALORISATION

Un des facteurs qui pourrait protéger les marchés européens dans leur ensemble des conséquences d'une dégradation importante des prévisions est le PER, qui laisse penser que les valorisations boursières sont basses.

"Si on regarde les valorisations du marché, elles suggèrent qu'il ne croit pas vraiment aux consensus pour l'an prochain, car sinon les actions s'échangeraient avec un multiple plus fort", pense Robert Parkes, stratège actions chez HSBC.

"C'est pour cela que les multiples sur les résultats à venir sont aussi bas par comparaison au niveau où nous en sommes normalement à ce stade du cycle".

MSCI Europe dégage un PER de 10,27 à l'horizon d'un an, contre une moyenne sur 20 ans de 14,98, selon Thomson Reuters DataStream. Le S&P 500 donne un PER à un an d'écart de 11,92 contre 16,2 en moyenne sur 20 ans.

Le Crédit Suisse estime que les secteurs comme la construction, l'acier, l'automobile, les médias et celui du tourisme et des loisirs ont déjà incorporé dans leurs cours le risque d'une réduction de moitié des estimations de croissance des chiffres d'affaires.

LA PEUR DE LA RÉCESSION HANTE LES ESPRITS

La faible valorisation des entreprises mise à part, les analystes pensent que les prévisions de stagnation des ventes et de profits stables ou en baisse, alimentées par la peur d'une nouvelle récession, frapperont certainement l'ensemble du marché boursier européen, qui a gagné 3,2% depuis le début de l'année.

Aucun des secteurs testés par Crédit Suisse n'avaient incorporé le coût d'un scénario de stagnation des ventes pendant deux ans jusqu'à fin 2012.

Le consensus relatif à la croissance des bénéfices des sociétés du MSCI Europe pour 2011 a été progressivement ramené de 28% fin janvier à 18,4% actuellement. Quant au consensus sur l'augmentation des bénéfices des entreprises du S&P 500, il descend à 15,8% en 2011 contre 37,5% en 2010.

Il faudrait cependant que l'économie mondiale replonge dans la récession pour que le consensus d'évolution des bénéfices de 2011 donne un pourcentage négatif.

"Le consensus pour l'an prochain s'établit aux environs de +19%. Nous anticipons plutôt quelque chose plus proche de 10%. Passer de 19 à 10%, c'est gérable pour le marché", estime Nick Nelson, d'UBS. "Mais si nous tombons de 19% à, par exemple, zéro, voire dans le négatif, évidemment ça sera un choc pour le marché; il est évident qu'il ne sera pas en mesure de gérer ça."

Vincent Chauvet pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat