(Actualisé avec déclarations sur le gaz et l'aide §12-16)

MOSCOU, 24 février (Reuters) - La Russie a estimé lundi que l'accord de sortie de crise signé vendredi par le président Viktor Ianoukovitch et l'opposition, via une médiation européenne, a servi de prétexte à un coup de force et accusé les Occidentaux de se livrer à des "calculs géopolitiques unilatéraux" dans cette partie du monde.

Dans un communiqué, le ministère russe des Affaires étrangères ajoute que des méthodes "dictatoriales et parfois terroristes" sont employées par les nouvelles autorités pour faire pression contre les opposants dans certaines régions de l'ex-république soviétique.

Il demande que soient prises en compte les inquiétudes des élus de Crimée et de l'est et du sud de l'Ukraine, régions majoritairement russophones.

"L'accord du 21 février, avec le consentement tacite de ses soutiens extérieurs, n'est utilisé que comme prétexte pour promouvoir un scénario de changement de pouvoir par la force en Ukraine", écrit le ministère.

"Certains de nos partenaires occidentaux", ajoute-t-il, ont été guidés "non pas par leur préoccupation quant au sort de l'Ukraine mais par des calculs géopolitiques unilatéraux".

Moscou critique également le soutien apporté par l'Europe et les Etats-Unis à la tenue d'une élection présidentielle en mai et demande que les amendements constitutionnels votés ces derniers jours par le Parlement soient soumis à référendum.

"PERSONNE À QUI PARLER"

Ce communiqué a été diffusé peu après des propos du Premier ministre Dmitri Medvedev mettant en doute la légitimité des nouvelles autorités ukrainiennes.

"Nous ne comprenons pas ce qui se passe là-bas. Il y a une réelle menace pour nos intérêts et pour la vie de nos concitoyens", a dit Medvedev, selon les agences de presse russes.

"En fait, il n'y a personne à qui parler. Il y a de gros doutes sur la légitimité de différents organes du pouvoir actuellement en fonctions", a poursuivi le chef du gouvernement.

"Ce sera difficile de travailler avec un tel gouvernement", a-t-il ajouté. "Certains de nos partenaires étrangères pensent différemment (...). Il se semble que ce serait une aberration de qualifier de légitime ce qui est essentiellement le résultat d'une mutinerie armée."

Au lendemain de la signature de l'accord de sortie de crise, le Parlement de Kiev a destitué samedi Viktor Ianoukovitch et annoncé la tenue d'une élection présidentielle le 25 mai.

La Russie a offert en décembre une aide financière de 15 milliards de dollars à l'Ukraine et accepté de réduire les prix du gaz. Mais Dmitri Medvedev a souligné que cet accord sur le gaz avait une date d'expiration et demanderait ensuite à être renégocié. L'Ukraine doit plus de 1 milliard de dollars à la Russie en factures de gaz au seul titre de l'année 2013.

"La décision concernant le gaz, qui a été adoptée, a des périodes concrètes de mise en oeuvre", a noté Medvedev. "Ce qui se produira après l'expiration sera sujet à discussion avec la direction des entreprises ukrainiennes et le gouvernement ukrainien, s'il émerge un jour."

Pour l'heure, Moscou a versé une première tranche de 3 milliards de dollars sur l'aide totale de 15 milliards de dollars promise à Kiev.

Lors d'une visite à Washington, le ministre russe du Développement économique, Alexeï Oulioukaev, a décidé que le versement de la prochaine tranche - 2 milliards de dollars - était prêt, mais que Moscou attendait de connaître quel sera son partenaire ukrainien.

"Notre position, c'est que nous allons poursuivre (ce programme). Mais nous aimerions savoir qui sont nos partenaires", a-t-il. (Elizabeth Piper, Alissa de Carbonnel, avec Anna Yukhananov à Washington; Jean-Philippe Lefief et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)