ISTANBUL, 28 février (Reuters) - Abdullah Öcalan, chef historique du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, interdit), reproche aux rebelles kurdes sous ses ordres d'entraver ses efforts de réconciliation avec le pouvoir turc et met en garde Ankara de ne pas chercher à lui dicter ses conditions.

Ces confidences sont relatées par le quotidien Milliyet, qui retranscrit les minutes de la rencontre, le week-end dernier sur l'île-prison d'Imrali, dans la mer Egée, entre "Apo" (l'Oncle) et des dirigeants politiques kurdes.

Öcalan, fait prisonnier par les forces spéciales turques en 1999 au Kenya, fait part de son impatience face aux responsables militairs du PKK, réfugiés dans les montagnes de Qandil, au Kurdistan irakien. Il laisse entendre que ces derniers manquent singulièrement d'enthousiasme vis-à-vis de ses efforts pour ramener la paix entre Ankara et le PKK, qui a pris le maquis en 1984.

"Même le PKK ne me comprend pas", affirme Öcalan, qui est âgé de 63 ans et a passé la majeure partie de ces dix dernières années dans la solitude de sa cellule d'Imrali. "Ils me considèrent comme un grand frère ou un père. Je partage leurs inquiétudes. Qandil est pessimiste, ce serait bien qu'il surmonte tout cela."

Le Parti pour la paix et la démocratie (BDP, vitrine politique du PKK), dont des députés ont pu rencontrer "Apo" à Imrali, a démenti être à l'origine de la fuite sur les propos d'Öcalan.

Ce dernier évoque aussi dans le détail un retrait des combattants du PKK du territoire turc, la libération des détenus liés au PKK et des réformes constitutionnelles.

Le chef de file du PKK, un mouvement considéré comme "terroriste" par Ankara, les Etats-Unis et l'Union européenne, fait également part de ses doutes à l'égard du parti au pouvoir en Turquie, l'AKP, et met en garde contre toute tentative visant à imposer ses conditions.

"J'espère que l'AKP ne se méprend pas à notre égard. Si c'était le cas, ce serait une catastrophe. Si l'AKP cherche à dicter ses conditions, nous les refuserons", prévient-il.

Abdullah Öcalan envisagerait le retrait de ses combattants de Turquie avant la mi-août, aux termes d'un projet d'accord de paix envoyé à la direction de son parti et à des hommes politiques kurdes.

Emprisonné depuis son arrestation en 1999, Abdullah Öcalan négocie avec le gouvernement turc les grandes lignes d'un accord pour mettre fin au conflit entre les Kurdes et l'Etat turc, qui a fait 40.000 morts depuis 1984. (Ayla Jean Yackley, Jean-Loup Fiévet pour le service français, édité par Gilles Trequesser)