(Actualisé avec eurobonds)

PARIS, 4 avril (Reuters) - L'effritement du sentiment européen au sein de la zone euro est un danger et le plus important pour sortir de la crise est d'éviter les réflexes nationalistes, a déclaré jeudi Benoît Coeuré, membre du directoire de la Banque centrale européenne.

Il a ensuite précisé à des journalistes qu'il visait "tout le monde". Plus tôt jeudi, les ministres français et allemand des Finances, Pierre Moscovici et Wolfgang Schäuble, avaient insisté sur la nécessité pour les Etats de la zone monétaire de renforcer leur coopération.

Benoît Coeuré a d'autre part déploré le manque d'avancée voire le recul du marché unique européen, pourtant à la base de la création de l'euro, et donc l'absence d'un projet économique commun.

"Il y a des raisons d'être inquiet : on observe, on peut lire à travers un certain de nombre de discussions ou de débats qui ont lieu dans la zone euro, une forme de délitement de la communauté des Etats qui gèrent l'euro, une forme d'effritement de l'affectio societatis au sein de la zone euro, une tentation de revenir à des réflexes nationalistes", a-t-il dit lors d'un forum organisé par Libération et Sciences Po Paris.

"Ces réflexes sont un poison pour la monnaie unique, un danger pour la stabilité de la monnaie unique", a-t-il poursuivi.

"Si on veut assurer l'avenir de l'euro, il faut un sens de la communauté, un sens de l'intérêt commun au sein de la zone euro, il faut aller au delà des reflexes nationalistes, je pense que c'est pour moi la conclusion la plus importante si on veut sortir de cette crise", a encore déclaré Benoît Coeuré.

Pourtant à la base de la création de l'euro, "le marché unique n'a pas significativement progressé depuis 1992 (...) et il y a même eu une forme d'érosion, voire de désintégration du marché unique des services financiers depuis la crise puisque le capital ne circule plus entre le nord et le sud de la zone euro", a-t-il déploré.

"Donc la raison économique pour laquelle la monnaie unique a été initialement créée s'est affaiblie et, du coup, on se retrouve avec une monnaie unique qui fonctionne bien mais qui ne soutient plus un projet économique. Et ce n'est pas la banque centrale qui va fournir ce projet."

Interrogé sur l'opportunité de mutualiser les dettes publiques en Europe, ce que la France souhaite à terme contrairement à l'Allemagne, il a répondu : "La dette commune est un bon objectif, la zone euro fonctionnera mieux avec une dette commune, mais il y a un 'mais' important, ça suppose un contrôle conjoint, une forme de souveraineté conjointe sur les questions budgétaires".

"Donc oui aux eurobonds mais à condition qu'il y ait au préalable une forme de souveraineté partagée sur les questions budgétaires", a-t-il ajouté. (Jean-Baptiste Vey, édité par Yves Clarisse)