par Balazs Koranyi et Robert Robertson

REYKJAVIK, 28 avril (Reuters) - Fatigués par cinq ans d'austérité et de promesses d'allègement de la dette, les Islandais ont voté massivement contre le gouvernement social-démocrate et ramené au pouvoir les partis de centre-droit qui avaient présidé à la faillite bancaire de l'île en 2008.

Le Parti de l'indépendance, associé sans discontinuer aux différents gouvernements qui se sont succédé de 1980 à 2009, est arrivé en tête des législatives avec 26,7% des voix exprimées samedi, selon les résultats complets diffusés dimanche.

Il obtient 19 des 63 sièges de l'Althing, le parlement islandais, et son chef de file, Bjarni Benediktsson, devrait succéder au poste de Premier ministre à la sociale-démocrate Johanna Sigurdardottir, qui ne se représentait pas.

Le Parti du progrès, l'autre mouvement de centre-droit, a recueilli de son côté 24,4%, et disposera lui aussi de 19 sièges. Son chef de file, Sigmundur Gunnlaugsson, 38 ans, estime que c'est à lui que devrait revenir le poste de Premier ministre au prétexte que son parti a le plus progressé à l'Althing.

Le président Olafur Ragnar Grimsson a fait savoir qu'il se déciderait d'ici lundi soir.

Arrivés au pouvoir en 2009 sur les ruines de la faillite bancaire, les sociaux-démocrates n'ont obtenu que 12,9% des voix. Leur représentation parlementaire fond à 9 députés, onze de moins que dans le parlement sortant, soit la défaite la plus cinglante pour un parti au pouvoir depuis l'indépendance, en 1944.

"La meilleure solution serait une coalition à deux partis, ce serait le gouvernement plus solide capable de gérer les décisions difficiles qui nous attendent", a déclaré dimanche Bjarni Benediktsson, ajoutant qu'une alliance avec le Parti du progrès serait un "premier choix naturel".

Cinq années de privations n'ont guère permis aux Islandais de retrouver leur niveau de vie d'avant la crise provoquée par l'éclatement du secteur bancaire dont les bilans, sous l'impulsion des "nouveaux Vikings", avaient enflé démesurément pour atteindre jusqu'à dix fois le PIB islandais.

En octobre 2008, les faillites successives des banques Landsbanki, Kaupthing et Glitnir ont fait basculé le pays tout entier dans un abysse financier. Les prix de l'immobilier se sont effondrés, le chômage a explosé et la devise nationale, la couronne islandaise, a plongé avec des conséquences dramatiques sur le prix des importations.

"JE SUIS EN TRAIN DE PERDRE ESPOIR"

Portés au pouvoir par la "révolution des casseroles" à la faveur de législatives anticipées, début 2009, les sociaux-démocrates ont stabilisé l'économie en négociant notamment un prêt auprès du FMI.

Mais les promesses d'une relance rapide de l'activité économique se sont évanouies et les 320.000 Islandais se débattent toujours avec leurs crédits, l'inflation et les contrôles sur les capitaux qui limitent l'investissement.

"Pour être honnête, je suis en train de perdre espoir. Cela fait cinq ans qu'on se serre la ceinture, qu'on réduit nos dépenses et qu'on attend", disait Katrin Johannsdottir, une mère de deux enfants rencontrée samedi dans son bureau de vote d'une banlieue de Reykjavik.

Indexé sur l'inflation, le remboursement de son emprunt a accentué l'endettement de son ménage. Comme elle, on estime que près de 40% des Islandais sont en difficulté financière, et 10% en défaut de paiement sur leur prêt immobilier.

Pour rétablir un taux de croissance suffisamment élevé (elle ne sera que de 1,8% en 2012) et permettre à la population de retrouver son niveau de vie d'avant la crise, la droite islandaise promet d'abaisser les impôts, d'accélérer l'allègement de la dette des ménages et de mettre un terme à l'encadrement des flux de capitaux qui, estime-t-elle, a étouffé l'investissement.

"Nous proposons une voie différente, un chemin vers la croissance, la protection du système de sécurité sociale et les créations d'emplois", a déclaré à Reuters Bjarni Benediktsson.

"Nous ne ferons pas de compromis sur les baisses d'impôts et l'augmentation du niveau de vie des gens", a ajouté l'ancien footballeur professionnel de 43 ans à l'étrange destinée politique.

Deux semaines avant le scrutin, Bjarni Benediktsson songeait à démissionner après des sondages catastrophiques. Il s'est relancé grâce à un entretien télévisé dans lequel ce grand amateur de pêche à la truite et au saumon s'est livré à ses compatriotes.

"Les gens semblent avoir la mémoire très courte", déplore pourtant Halldor Gudmundsson, un électeur de 44 ans. "Ce sont ces partis qui nous ont mis dans ce pétrin."

L'arrivée au pouvoir du centre-droit, connu pour ses positions eurosceptiques, devrait par ailleurs signer le rejet de l'adhésion à l'Union européenne, auparavant espérée par les sociaux-démocrates. (Hélène Duvigneau, Tangi Salaün et Henri-Pierre André pour le service français)