Motorola était en 2006 le deuxième acteur du marché du téléphone portable derrière Nokia et devant Samsung avec 21% des parts de marché. Le groupe avait alors vendu 217,4 millions d’unités, loin derrière Nokia et ses 347,5 millions de téléphones vendus mais tout aussi loin devant son concurrent sud-coréen et ses 118 millions d’appareils vendus. Motorola était alors l’une des entreprises technologiques les plus prospères et respectées au monde. Pour l’anecdote, le premier appel depuis un téléphone mobile fut passé en avril 1973 par un ingénieur du groupe. En 2006, Motorola réalisait près de 43 Mds$ de chiffre d’affaires. 

C’est aussi à partir de 2006 que le beau scénario de croissance imaginé par la direction s’est assombri. La société a subi à la fois l’abandon par Apple des puces PowerPC que Motorola produisait au profit de celles utilisées par Intel et l’arrivée de l’iPhone qui, par son innovation, a immédiatement bouleversé le marché dans son ensemble. 

La société a par la suite entamé une lourde restructuration et a opté pour une séparation en deux entités distinctes avec Motorola Mobility et Motorola Solutions. La première branche, qui englobe les activités des smartphones et de la téléphonie, ne fait aujourd’hui plus partie du périmètre du groupe puisqu’elle fut vendu à Google dès 2012 pour 12,5 Mds$ puis à Lenovo à peine deux années plus tard. Le groupe chinois exploite toujours la marque aujourd’hui. 

Motorola Solutions réalise 75% de son chiffre d’affaires avec sa division des appareils de communications radio terrestres mobiles (LMR). Ce nom complexe inclut notamment des radios bidirectionnelles et des réseaux de communication à large bande. Le reste des revenus est composé d’appareils de sécurité vidéo et de contrôle d’accès (17%) et par des solutions logicielles pour les centres de commande qui gèrent des flux tels que les appels d’urgence et les alertes pour la sécurité. Par exemple, 3600 des 6000 centres d’appels du 911 - services d’urgence américains - sont équipés de solutions logicielles de Motorola. 

Les 3 divisions (source : Motorola Solutions)

Les trois segments sont en forte croissance. Le marché adressable total est passé de 13 Mds$ en 2015 à 66 Mds$ l’an dernier. La direction note une intensification générale de la concurrence mais il y a de nombreux facteurs positifs qui devraient permettre de maintenir la trajectoire de croissance des années précédentes. Depuis 2015, le chiffre d’affaires est en effet passé de 5,7 Mds$ à 10 Mds$ et la marge opérationnelle a gagné presque 10 points en passant de 18,2 % à 27,9 %. 

Premièrement, le groupe réalise 75% de son chiffre d’affaires avec les entités de sécurité publique (police, pompiers, services médicaux d’urgence, éducation, etc) et profite par conséquent de la hausse des budgets défense et des conditions avantageuses accordées aux entreprises américaines. La NDAA, la loi annuelle qui autorise le budget et les dépenses du Département de la Défense, a interdit à plusieurs entreprises chinoises de fournir du matériel de sécurité aux entités publiques américaines. 

Ensuite, Motorola met en avant l’utilisation de l’IA et son avance sur ses concurrents dans ce domaine. Une importante partie de la gamme des caméras et des appareils radios est dotée de fonctionnalités IA telles que la traduction en temps réel, la transcription immédiate, par exemple pour les outils de réception d’appels du 911, les services de secours américains, les fonctionnalités de détection d’anomalies, les alertes automatiques et de contrôle d’accès. C’est un bon point compte tenu de l'intérêt accru de cette tendance actuellement. 

Aperçu de l’environnement concurrentiel sur chacune des activités (source : Motorola Solutions) 

Pour la principale activité, LMR, la croissance sera stimulée par l’expansion des réseaux et des besoins et le renouvellement des appareils. Pour les solutions de sécurité vidéo et de contrôle d’accès, l’entreprise note les capacités de croissance dans le cloud, les nouvelles utilisations à l’image des besoins de reconnaissance des plaques d'immatriculation et enfin, l’orchestration et l’intégration de nouvelles gammes de produits. 

Enfin, Motorola a des possibilités de développement au niveau international. L’entreprise réalise actuellement 69% de son chiffre d’affaires en Amérique du Nord et 31% à l’international. Cependant, l’international est globalement assez peu couvert puisque les revenus sont très dispersés. Moins de 1 Md$ de chiffre d’affaires provient de l’Europe, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande. 

Répartition des ventes par géographie (source : Motorola Solutions) 

Ces bons atouts se traduisent dans les états financiers du groupe. L’endettement est parfaitement sous contrôle, il représente moins de 1,5 fois l’EBITDA et la trésorerie est bien garnie et permet d’envisager de nouvelles acquisitions. Enfin, on soulignera les qualités des dirigeants : Gregory Brown, le PDG, est dans le groupe depuis 2003 et aux commandes de la division Motorola Solutions depuis 2008. Son expérience est précieuse et sa gestion est conservatrice puisque les rémunérations sous formes de stocks options sont assez faibles et que les actionnaires sont pris au sérieux. Les rachats d’actions sont nombreux avec 29,7% du capital racheté depuis 2014. Le dividende est augmenté d’année en année, en cohérence avec les chiffres publiés. 

Près de 6 Mds$ investis dans les acquisitions depuis 2015 (source : Motorola solutions) 

Les perspectives pour cette année s’alignent sur l’historique des derniers exercices. La croissance des revenus est attendue à 7% et le bénéfice par action devrait ressortir entre 12,9 $ et 13 $ par action contre 11,95 $ lors du précédent exercice. 

Motorola a de beaux jours devant lui. Tous les feux sont au vert. La valorisation est élevée (45 fois les profits pour cette année, 31,5 fois pour 2025) mais le profil de valeur technologique, les perspectives, la qualité du management et de la gestion et enfin la régularité dans la qualité des publications justifient une valorisation élevée. Motorola Solutions ne devrait pas avoir fini de nous surprendre lors des prochains exercices. 

Depuis la lourde restructuration, Motorola Solutions fait bien mieux que le S&P500 (source : Zonebourse)