(Actualisé avec nouveau bilan §§1 et 18)

par Andrew R.C. Marshall et Stuart Grudgings

TACLOBAN, Philippines, 14 novembre (Reuters) - Six jours après le passage du "super typhon" Haiyan, dont le dernier bilan atteint les 4.460 morts, selon l'Onu, la grogne monte aux Philippines face à la paralysie des autorités et la lenteur de la distribution de l'aide aux rescapés.

De nombreuses scènes de pillage ont été signalées dans la province de Leyte, la plus touchée, en dépit du déploiement de soldats pour maintenir l'ordre.

L'aide internationale s'accélère avec l'arrivée des premiers secours de l'US Navy, mais des propriétaires de stations-service épargnées par la catastrophe refusent de rouvrir, limitant l'approvisionnement en essence des camions chargés d'acheminer les vivres et de convoyer les équipes médicales.

"Il y a toujours des cadavres sur la route", déplore Alfred Romualdez, maire de Tacloban, chef lieu de la province de Leyte dévastée par le cyclone, l'un des plus puissants jamais enregistrés avec des vents supérieurs à 300 km/h.

"C'est effrayant. Un quartier demande qu'on vienne ramasser les corps, les habitants disent qu'il y en a cinq ou dix. Quand on arrive, il y en a quarante."

Le faible nombre de camions n'offre guère de choix. "La seule solution, c'est d'utiliser le même camion pour distribuer de la nourriture et ramasser les corps."

Environ 300 corps ont été enterrés jeudi dans une fosse commune. Une autre va être creusée pour contenir un millier de cadavres, a déclaré l'administrateur de la municipalité, Tecson John Lim.

Seuls 70 employés de la mairie sont au travail, contre 2.500 en temps normal. Beaucoup ont été tués, blessés, ont perdu leurs proches ou sont trop choqués pour pouvoir travailler.

D'après Tecson John Lim, seuls 20% des habitants de Tacloban reçoivent de l'aide. Les maisons des particuliers sont pillées car les entrepôts sont vides. "Le pillage ne relève plus de la criminalité. C'est une façon de survivre", résume-t-il.

Ayant appareillé en urgence de Hong Kong où il faisant escale, le porte-avions américain "USS George Washington" est arrivé au large de la province orientale de Samar, avec 5.000 marins et plus de 80 appareils. Ce bâtiment à propulsion nucléaire est escorté de quatre navires de guerre de l'US Navy.

PREMIERS SECOURS AMERICAINS

Onze premières palettes contenant 7.300 litres d'eau ainsi que des vivres ont été débarquées sur l'aéroport de Tacloban dans le cadre de l'opération "Damayan". D'autres palettes d'eau ont été acheminées à Guian, une localité de 45.000 personnes durement touchées par le typhon.

Le commandant de cette "task force", le contre-amiral Mark Montgomery, a précisé que le principal atout de son unité était la présence de 21 hélicoptères censés améliorer la distribution des secours.

La Grande-Bretagne va également dépêcher le porte-hélicoptères "HMS Illustrious".

Le Japon prépare de son côté l'envoi d'un millier de soldats, accompagnés de navires, d'hélicoptères et d'avions de transport dans ce qui s'annonce comme la plus importante mission militaire japonaise à l'étranger depuis une opération menée en Indonésie après le tsunami dans l'océan Indien en 2004.

Au pouvoir depuis trois ans, le président Benigno Aquino doit se défendre des critiques qui dénoncent le manque de préparation de la population à l'arrivée du cyclone, en dépit des avertissements sur sa sévérité, ou déplorent la gestion des secours.

Le chef de l'Etat philippin souligne que les pertes humaines auraient été beaucoup plus élevées sans l'action de son gouvernement.

Le débat continue sur l'ampleur du nombre de victimes, longtemps évalué à 10.000 morts environ avant d'être nettement revu en baisse par le président Aquino lui-même mardi dans une interview à CNN. Le chef de l'Etat avait évoqué 2.000 à 2.500 morts.

Jeudi soir, les Nations unies ont avancé le chiffre de 4.460 morts en citant des données du gouvernement philippin, un bilan près de deux fois supérieur au bilan officiel jusqu'alors donné par les autorités.

Tecson John Lim estimait dimanche que 10.000 personnes ont probablement trouvé la mort dans la seule ville de Tacloban. Il pense que le président minimise peut-être délibérément le nombre de victimes pour ne pas créer la panique.

La Croix-Rouge philippine maintient le nombre des disparus à 22.000, qui devrait cependant diminuer au fur et à mesure que des personnes seront localisées.

Selon les Nations unies, le typhon a fait plus de 544.600 sinistrés et près de 12% de la population du pays a été directement affectée par le désastre. (Jean-Stéphane Brosse, Eric Faye et Jean-Loup Fiévet pour le service français, édité par Gilles Trequesser)