* Des propositions inopportunes, selon le ministre des Affaires étrangères

* Le chef de l'Etat contraint à une mise au point

* La droite dénonce "provocation" et "cynisme" (Actualisé avec Copé)

PARIS, 15 décembre (Reuters) - "Il ne faut pas prendre toutes les mouches qui volent pour des idées", a déclaré dimanche Laurent Fabius à propos du rapport contesté sur l'intégration dont les propositions pour certaines explosives ont ébranlé une nouvelle fois l'exécutif français.

Ce rapport remis le 13 novembre à Jean-Marc Ayrault et mis en ligne sur le site de Matignon avec un préambule du Premier ministre saluant "la grande qualité des travaux", prône notamment l'autorisation du voile à l'école, le création d'un délit de harcèlement racial ou l'introduction de l'arabe et des langues africaines à l'école. ( )

En déplacement au Brésil et en Guyane, François Hollande a été contraint de dissiper le trouble, souligné en termes vifs par l'opposition de droite, en assurant que ce rapport ne reflétait en rien la position du gouvernement.

"Le rapport, je ne l'ai pas lu, j'en ai pris connaissance par les journaux et en le lisant, je pensais à une phrase que j'aimais beaucoup de François Mitterrand, qui disait : 'Il ne faut pas prendre toutes les mouches qui volent pour des idées'", a commenté Laurent Fabius au "Grand Rendez-Vous" Europe 1-Le Monde-i>Télé.

"Il y a sûrement des choses très sérieuses et très légitimes, mais par exemple quand il est dit (...) qu'il faut tailler en pièces la législation sur le voile, je ne suis pas d'accord", a souligné le ministre des Affaires étrangères.

"UNE PENSÉE DE GAUCHE UTOPISTE"

Laurent Fabius, dont la voix tranche régulièrement dans un choeur gouvernemental souvent dissonant, a jugé à demi-mot que le séminaire interministériel sur l'intégration républicaine et la lutte contre les discriminations prévu par Jean-Marc Ayrault le 9 janvier n'était pas des plus opportuns à deux mois des élections municipales.

"Je vous confirme que l'élection ne se fera pas là-dessus", a-t-il déclaré, tout en précisant que le rapport sur l'intégration ne participait pas, à son sens, d'"une stratégie électorale".

Le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, dénonce dans Le Journal du Dimanche une instrumentalisation "cynique" du document par le président de l'UMP, Jean-François Copé, mais concède qu'il contient "des aberrations et des propositions dangereuses qui mettent en cause ce qu'est la France, sa laïcité".

Le démographe et historien Hervé le Bras souligne dans le "JDD" que les propositions des cinq groupes de travail mises en ligne par les services du Premier ministre "ne reflètent en aucun cas un consensus de la communauté scientifique".

"Nous sommes face à une pensée de gauche utopiste et administrative", juge-t-il.

Le député socialiste Jean-Marie Le Guen a voulu relativiser sur Radio J "une maladresse administrative des services de Matignon". "Ce n'est qu'une contribution", a-t-il dit.

L'ancien ministre UMP Bruno Le Maire n'y croit pas, qui a dénoncé sur TF1 "une provocation inutile".

"LA MAIN DANS LE SAC"

"Il y a sûrement un peu de cynisme quand la gauche est au pouvoir, mais il faudrait qu'ils aient un peu plus de mémoire. Quand ils étaient au pouvoir, c'est (Jean-Marie) Le Pen qui est arrivé au second tour de la présidentielle (en 2002) et pas eux", a déclaré pour sa part François Baroin sur France 2.

"François Hollande a bien fait de réagir tout de suite. Il n'y a aucune majorité aujourd'hui en France, à droite comme à gauche, pour voter la remise en cause de la loi sur le voile", a dit l'ancien ministre UMP, qui voit dans cette polémique "un petit problème Ayrault-Valls".

Dans Le Journal du Dimanche, le Premier ministre affirme qu'il n'est "pas là pour gérer les affaires courantes" et qu'il ne veut pas "renoncer à faire évoluer notre politique d'intégration".

Jean-François Copé, qualifié de "menteur" par Jean-Marc Ayrault pour avoir accusé l'exécutif socialiste de vouloir porter atteinte au pacte républicain, a de nouveau dénoncé "une alliance objective" du Parti socialiste avec le Front national.

"Derrière l'énervement, pour ne pas dire la panique, qui le conduit à avilir sa fonction en injuriant le chef de l'opposition républicaine, le Premier ministre fait un aveu terrible d'être pris la main dans le sac", a-t-il dit dimanche sur France Inter.

"Je suis hélas persuadé de ce que le gouvernement, acculé par l'échec de sa politique économique qui met les Français dan sun état d'inquiétude extrême, espère se sauver d'un désastre eux élections à venir (...) en excitant les peurs et les passions comme il le fait depuis le début de ce quinquennat, avec un seul objectif : faire monter le Front national". (Sophie Louet)